L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu
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<strong>Philippe</strong> <strong>Meirieu</strong> - Marc Guiraud L’école contre <strong>la</strong> <strong>guerre</strong> <strong>civile</strong><br />
Ce que cache l’orientation <strong>de</strong>s « mauvais » élèves avant <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
sco<strong>la</strong>rité obligatoire vers les filières professionnelles, c’est l’expression<br />
d’un véritable mépris à l’égard <strong>de</strong>s métiers manuels. La séparation stupi<strong>de</strong><br />
entre métiers manuels et métiers intellectuels est elle-même indigne d’un<br />
pays comme le nôtre. D’ailleurs, certains métiers dits intellectuels<br />
(chirurgien, graphiste, architecte...) n’existent pas sans une véritable<br />
habileté manuelle. Et où p<strong>la</strong>cer le restaurateur <strong>de</strong> tableaux, le créateur <strong>de</strong><br />
décors, le styliste, l’ébéniste, le plombier, le cuisinier <strong>ou</strong> le paysagiste ?<br />
Aucun métier n’est strictement manuel et ceux qui font appel à <strong>de</strong>s<br />
habiletés physiques mobilisent autant l’intelligence que les autres. Les<br />
considérer comme <strong>de</strong>s métiers <strong>de</strong> second ordre vers lesquels on se dirige en<br />
désespoir <strong>de</strong> cause, après avoir éch<strong>ou</strong>é à rejoindre un emploi <strong>de</strong> bureau <strong>ou</strong><br />
d’administration, ab<strong>ou</strong>tit inévitablement à en appauvrir l’image, à les vi<strong>de</strong>r<br />
<strong>de</strong> leur propre culture et à mépriser les savoirs authentiques qui les fon<strong>de</strong>nt.<br />
Un agriculteur, un artisan <strong>ou</strong> un <strong>ou</strong>vrier métallurgiste sont les héritiers <strong>de</strong><br />
t<strong>ou</strong>te une histoire ; ils entretiennent avec le mon<strong>de</strong>, avec leurs <strong>ou</strong>tils <strong>de</strong><br />
travail, avec les objets qu’ils côtoient, <strong>de</strong>s rapports particuliers qui font<br />
sens et ennoblissent ceux qui se perçoivent comme les dépositaires d’une<br />
tradition qu’ils prolongent et enrichissent. Un b<strong>ou</strong><strong>la</strong>nger n’est pas<br />
seulement quelqu’un qui connaît les techniques <strong>de</strong> fabrication du pain ;<br />
c’est aussi un professionnel qui entretient <strong>de</strong>s rapports particuliers avec le<br />
feu et le f<strong>ou</strong>r, qui vit le temps <strong>de</strong> manière spécifique et qui fabrique un<br />
produit dont le p<strong>ou</strong>voir symbolique est parmi les plus forts.<br />
L’orientation <strong>de</strong>s élèves en difficulté vers les secteurs « manuels », au<br />
contraire, accrédite l’idée qu’il s’agit là <strong>de</strong> métiers <strong>de</strong> simple exécution que<br />
l’on peut effectuer sans véritable culture <strong>de</strong> base et sans rien entendre aux<br />
enjeux <strong>de</strong> <strong>la</strong> société dans <strong>la</strong>quelle ils s’exercent. Dévalorisés ces métiers<br />
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