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L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu

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<strong>Philippe</strong> <strong>Meirieu</strong> - Marc Guiraud L’école contre <strong>la</strong> <strong>guerre</strong> <strong>civile</strong><br />

Prendre <strong>la</strong> parole au conseil suppose que l’univers sco<strong>la</strong>ire considère<br />

cette parole comme un véritable objet <strong>de</strong> formation. Or, auj<strong>ou</strong>rd’hui, les<br />

élèves parlent peu à l’école : en c<strong>la</strong>sse ils répon<strong>de</strong>nt aux questions <strong>de</strong><br />

l’enseignant <strong>ou</strong> ils bavar<strong>de</strong>nt, dans les c<strong>ou</strong>loirs ils chahutent, dans <strong>la</strong> c<strong>ou</strong>r<br />

ils crient ! C’est qu’ils sont s<strong>ou</strong>vent interdits <strong>de</strong> parole. D’abord parce<br />

qu’ils n’ont pas d’endroit où parler, ensuite parce qu’ils craignent d’être<br />

ridicules <strong>ou</strong> humiliés par les adultes, enfin et surt<strong>ou</strong>t parce qu’une terreur<br />

s<strong>ou</strong>rnoise les paralyse. Il suffit <strong>de</strong> visiter un établissement sensible p<strong>ou</strong>r<br />

s’apercevoir que beauc<strong>ou</strong>p d’élèves subissent une interdiction implicite <strong>de</strong><br />

s’exprimer, <strong>de</strong> finir leur phrase sans recevoir une injure <strong>ou</strong> un cartable dans<br />

<strong>la</strong> figure. Assignés au silence, aux onomatopées, emprisonnés dans <strong>de</strong>s<br />

formules stéréotypées, trop d’élèves ne peuvent jamais parler parce que <strong>la</strong><br />

domination insidieuse et <strong>la</strong>rvée <strong>de</strong> quelques caïds s’est installée dans leur<br />

c<strong>la</strong>sse. Résignés, ils subissent <strong>la</strong> loi du gr<strong>ou</strong>pe, l’omertà. Dans ces<br />

conditions, le passage à l’acte violent constitue un moyen d’expression,<br />

une solution, parfois <strong>la</strong> seule, p<strong>ou</strong>r tenter d’exister et <strong>de</strong> se faire entendre.<br />

Et comment <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à ces jeunes <strong>de</strong> définir un projet, d’expliquer le<br />

métier qu’ils s<strong>ou</strong>haitent exercer, quand ils sont incapables <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> leur<br />

propre passé autrement qu’en juxtaposant sans liaison <strong>de</strong>s événements<br />

hétéroclites ? P<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> « génération bonsaï », <strong>la</strong> vie n’est qu’un clip répétitif,<br />

une succession saccadée d’images brèves, déformées, parfois subliminales.<br />

Jamais l’attention n’a le temps <strong>de</strong> se fixer, jamais les idées n’arrivent à<br />

s’éc<strong>la</strong>ircir. Les événements se télescopent sans que les jeunes en<br />

comprennent l’enchaînement ni ne pensent leur histoire <strong>de</strong> manière<br />

cohérente.<br />

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