L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu
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<strong>Philippe</strong> <strong>Meirieu</strong> - Marc Guiraud L’école contre <strong>la</strong> <strong>guerre</strong> <strong>civile</strong><br />
Le comportement <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>sperados s’explique. D’abord par l’image<br />
dégradée, br<strong>ou</strong>illée du père, chômeur <strong>ou</strong> employé au bas <strong>de</strong> l’échelle.<br />
Ensuite, par les difficultés <strong>de</strong>s grands frères qui, malgré l’éventuelle<br />
réussite <strong>de</strong> leurs étu<strong>de</strong>s, n’ont pas forcément d’emploi, du moins pas à <strong>la</strong><br />
mesure <strong>de</strong> leurs efforts et <strong>de</strong> leurs espérances. L’école n’apparaît donc plus<br />
comme un moyen efficace <strong>de</strong> se faire une p<strong>la</strong>ce au soleil. Comme, en plus,<br />
elle n’apprend pas grand-chose qui répon<strong>de</strong> aux questions essentielles <strong>de</strong><br />
ces jeunes, comme elle fonctionne sur <strong>de</strong>s principes étrangers à ce qu’ils<br />
connaissent dans <strong>la</strong> cité, certains enfants ne consentent à <strong>la</strong> fréquenter que<br />
p<strong>ou</strong>r permettre à leurs parents <strong>de</strong> continuer à percevoir les allocations<br />
familiales, <strong>ou</strong> parce qu’une c<strong>ou</strong>r <strong>de</strong> récréation représente un beau marché<br />
captif p<strong>ou</strong>r le trafic <strong>de</strong> drogue, <strong>ou</strong> simplement, faute <strong>de</strong> mieux, en attendant<br />
vaguement quelque chose d’autre et p<strong>ou</strong>r passer le temps.<br />
T<strong>ou</strong>t aussi inquiétants et <strong>de</strong> plus en plus nombreux sont les jeunes issus<br />
<strong>de</strong> milieux plus favorisés qui ne sont même pas parvenus au sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
rébellion, <strong>ou</strong> qu’ils l’ont dépassé. Lovés dans le cocon familial (un<br />
appartement confortable, une belle télé et <strong>de</strong>s parents désespérément<br />
absents), ils se <strong>la</strong>issent dériver <strong>de</strong> fast food en CD, en passant par une<br />
console <strong>de</strong> jeux à trois dimensions. Pas <strong>de</strong> passion, pas <strong>de</strong> sport, pas <strong>de</strong><br />
discussions, pas <strong>de</strong> rêves... si ce n’est celui, banal mais qui leur apparaît<br />
p<strong>ou</strong>rtant tragiquement inaccessible, <strong>de</strong> quitter ses parents, <strong>de</strong> tr<strong>ou</strong>ver un<br />
vrai travail, un appartement et même <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r une famille. Ceux-là se<br />
<strong>la</strong>issent porter par une sorte <strong>de</strong> <strong>la</strong>ssitu<strong>de</strong> commune sans perspective et<br />
trimballent leur indifférence dans <strong>de</strong>s établissements sco<strong>la</strong>ires où les<br />
enseignants n’ont aucune prise sur eux ; ils sont résignés à n’être là que par<br />
hasard, sans rien investir d’eux-mêmes dans ce qui leur est proposé.<br />
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