L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu
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<strong>Philippe</strong> <strong>Meirieu</strong> - Marc Guiraud L’école contre <strong>la</strong> <strong>guerre</strong> <strong>civile</strong><br />
Cette triste réalité rec<strong>ou</strong>vre une piètre idéologie : dans t<strong>ou</strong>t gr<strong>ou</strong>pe<br />
humain, dès qu’il s’agit d’apprentissage, les individus se répartiraient<br />
spontanément en trois tiers à peu près égaux : les débiles, les médiocres et<br />
l’élite. Heureusement que ce n’est pas l’école qui apprend à marcher aux<br />
enfants : sinon <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion comporterait un tiers <strong>de</strong> bons marcheurs, un<br />
tiers <strong>de</strong> boiteux et un tiers <strong>de</strong> grabataires !<br />
Mais, ne sommes-n<strong>ou</strong>s pas t<strong>ou</strong>s complices <strong>de</strong> cette idéologie ?<br />
L’administration qui p<strong>ou</strong>sse insidieusement les enseignants à retr<strong>ou</strong>ver<br />
dans chaque c<strong>la</strong>sse <strong>la</strong> c<strong>ou</strong>rbe <strong>de</strong> Gauss. Les enseignants qui choisissent les<br />
exercices en sorte que le clivage <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong>ssine <strong>la</strong> même c<strong>ou</strong>rbe. Les<br />
parents qui, quand leur enfant rapporte une note, s’empressent aussitôt <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r : « Et les autres ? » S<strong>ou</strong>vent même, au lieu <strong>de</strong> l<strong>ou</strong>er l’efficacité<br />
d’un enseignant qui met beauc<strong>ou</strong>p <strong>de</strong> bonnes notes (ce qui pr<strong>ou</strong>verait<br />
plutôt a priori <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> son travail), les parents suspectent son exigence<br />
<strong>ou</strong> son honnêteté. P<strong>ou</strong>r eux, <strong>la</strong> réussite générale dévalorise le succès<br />
individuel. T<strong>ou</strong>s veulent à <strong>la</strong> fois que leur propre enfant soit dans le tiers <strong>de</strong><br />
ceux qui réussissent et que suffisamment d’enfants éch<strong>ou</strong>ent p<strong>ou</strong>r<br />
constituer un vrai tiers d’exclus. Ainsi, dans t<strong>ou</strong>s les cas, les enseignants<br />
sont c<strong>ou</strong>pables et les clients insatisfaits : si les élèves sont trop nombreux à<br />
réussir, le succès individuel n’a pas <strong>de</strong> valeur ; s’ils sont trop nombreux à<br />
éch<strong>ou</strong>er, c’est que les enseignants font mal leur travail ! Les enfants eux-<br />
mêmes acquièrent rapi<strong>de</strong>ment le réflexe et considérent un bon résultat<br />
comme insignifiant si aucun, dans <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse, n’a <strong>de</strong> mauvaise note.<br />
L’école, on le voit, ne peut pas être inféodée à <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s individuelles qu’elle est condamnée à ne jamais p<strong>ou</strong>voir<br />
exaucer. À v<strong>ou</strong>loir satisfaire t<strong>ou</strong>t le mon<strong>de</strong>, elle ne satisfera personne. Sa<br />
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