L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu
L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu
L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
<strong>Philippe</strong> <strong>Meirieu</strong> - Marc Guiraud L’école contre <strong>la</strong> <strong>guerre</strong> <strong>civile</strong><br />
<strong>de</strong> Jules Ferry, c’est d’arracher l’enfant à l’influence <strong>de</strong> sa famille<br />
considérée comme l’incarnation néfaste du « local », c’est-à-dire <strong>de</strong><br />
l’affectivité, <strong>de</strong> <strong>la</strong> superstition et <strong>de</strong>s inégalités. Dans l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
France, l’école a fonctionné comme une machine <strong>de</strong> <strong>guerre</strong> contre les<br />
particu<strong>la</strong>rismes <strong>de</strong> t<strong>ou</strong>tes sortes : contre les patois p<strong>ou</strong>r imposer une <strong>la</strong>ngue<br />
nationale, le français ; contre les cultures locales au profit <strong>de</strong>s valeurs<br />
« universelles » communes ; contre les privilèges familiaux p<strong>ou</strong>r permettre,<br />
en théorie, un accès égalitaire aux fonctions sociales ; contre les<br />
corporations p<strong>ou</strong>r renforcer le p<strong>ou</strong>voir <strong>de</strong> <strong>la</strong> nation et <strong>de</strong> son administration<br />
; contre l’inégalité <strong>de</strong>s conditions d’apprentissage offertes par<br />
l’environnement social p<strong>ou</strong>r donner à t<strong>ou</strong>s les mêmes possibilités. Le fils<br />
d’<strong>ou</strong>vrier agricole, analphabète et superstitieux, <strong>de</strong>vait bénéficier <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
même école que le fils <strong>de</strong> magistrat vivant en ville dans une famille v<strong>ou</strong>ée<br />
au culte <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison et disposant d’une <strong>la</strong>rge bibliothèque. De son côté, le<br />
fils <strong>de</strong> magistrat <strong>de</strong>vait apprendre à l’école les conditions <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> son<br />
camara<strong>de</strong> paysan ainsi que quelques notions d’agriculture nécessaires à sa<br />
culture générale. Ainsi se constituerait l’unité nationale.<br />
Le patriotisme plutôt que l’égalité <strong>de</strong>s chances<br />
Jules Ferry préconisait donc d’éradiquer ce qui sépare les hommes au<br />
profit <strong>de</strong> ce qui les unit... mais il n’envisageait pas d’é<strong>la</strong>rgir cette démarche<br />
jusqu’à l’égalité sociale : à aucun moment, il ne croit que l’école p<strong>ou</strong>rra<br />
contribuer à éradiquer l’injustice <strong>ou</strong> l’exploitation. Il accepte que subsistent<br />
<strong>de</strong>ux écoles publiques : une p<strong>ou</strong>r les pauvres, gratuite et obligatoire<br />
jusqu’au certificat d’étu<strong>de</strong>s, et, parallèlement, une p<strong>ou</strong>r les riches, payante<br />
et sélective, qui <strong>ou</strong>vre <strong>la</strong> voie aux lycées, aux conc<strong>ou</strong>rs <strong>de</strong> <strong>la</strong> haute fonction<br />
publique et aux emplois bien rémunérés.<br />
35