Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
106 Catherine Valcke<br />
<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ne peuvent être appréhendées que de l’intérieur,<br />
l’étape préliminaire concernant leur identification doit ellemême<br />
procéder, dans la mesure du possible, d’une perspective<br />
interne. Le comparatiste qui, reprenant la stratégie de l’ornithologue,<br />
entreprendrait de déterminer en vertu de critères<br />
exclusivement externes ce qui doit être considéré à titre de<br />
droit pour <strong>les</strong> fins de son étude risquerait de compromettre<br />
celle-ci.<br />
Supposons ainsi qu’un comparatiste anglais retienne<br />
d’emblée une définition selon laquelle le droit serait constitué<br />
de l’ensemble des règ<strong>les</strong> législatives, jurisprudentiel<strong>les</strong> et coutumières<br />
applicab<strong>les</strong> aux citoyens d’un même État et sanctionnées<br />
par lui. Une telle formulation aurait pour effet d’exclure<br />
du domaine d’étude divers <strong>droits</strong> ou aspects du droit<br />
pourtant pertinents étant donné <strong>les</strong> objectifs poursuivis par<br />
<strong>les</strong> études juridiques comparatives. Parmi <strong>les</strong> <strong>droits</strong> entièrement<br />
exclus figureraient notamment ceux qui régissent<br />
<strong>les</strong> sociétés dépourvues d’institutions étatiques proprement<br />
dites. Quoique plusieurs comparatistes soutiennent que<br />
l’étude de ces sociétés dites « primitives » relève en principe de<br />
l’ethnologie juridique et non de la comparaison des <strong>droits</strong> 22 ,la<br />
quantité des écrits consacrés à la question suggère que cette<br />
position de principe suscite un certain malaise 23 . On le<br />
comprend sans peine. La possibilité que des règ<strong>les</strong> dépourvues<br />
de sanction étatique puissent néanmoins être considérées en<br />
tant que « droit » traduit une conception du droit radicalement<br />
différente de celle qui anime <strong>les</strong> <strong>droits</strong> qui auraient,<br />
quant à eux, été inclus dans l’étude sur le fondement de la définition<br />
ci-dessus. Dans la mesure où le comparatiste cherche à<br />
révéler la diversité de la pensée juridique, <strong>les</strong> <strong>droits</strong> exclus par<br />
cette définition se révèlent être ceux-là mêmes qu’il aurait été<br />
particulièrement important d’inclure dans la recherche ! Par<br />
ailleurs, s’agissant des <strong>droits</strong> dont la définition proposée ne<br />
22. D’après Lambert, la recherche comparative ne saurait se révéler fructueuse<br />
que si elle porte sur des <strong>droits</strong> suffisamment similaires, tels <strong>les</strong> <strong>droits</strong> latins et germaniques.<br />
Voir Lambert, op. cit., note 19, p. 895-920. Voir en ce sens Alexandre Otetelisano,<br />
Esquisse d’une théorie générale de la science du droit comparé, Paris, Sirey, 1940,<br />
pp. 315-318 ; H. C. Gutteridge, Le droit comparé, trad. par l’Institut de droit comparé<br />
de Paris, Paris, LGDJ, 1953, p. 102 [1949].<br />
23. Pour une dénonciation de cette position de principe, voir par exemple Constantinesco,<br />
op. cit., note 1, II, p. 110.<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
V:\55125\55125.vp<br />
mercredi 8 avril 2009 16:24:12<br />
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