24.04.2015 Views

Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand

Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand

Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />

Composite Trame par dØfaut<br />

Toute comparaison des <strong>droits</strong> est une fiction 57<br />

censé représenter, il nous faut nous attarder à la grande fiction<br />

dont dépend l’application de tout texte juridique, dans<br />

n’importe quel droit, à savoir l’adage « nul n’est censé ignorer<br />

la loi ». En effet, l’un des éléments constitutifs du droit <strong>les</strong><br />

plus importants, soit son application, repose sur une présomption,<br />

d’ailleurs généralement irréfragable, selon laquelle<br />

<strong>les</strong> textes qui composent un droit sont entièrement connus de<br />

ceux auxquels celui-ci s’adresse. Or le droit qui est dès lors en<br />

mesure de surgir quotidiennement comme manifestation<br />

situationnelle concrète résultant de l’application d’une norme<br />

quelconque n’est nullement celui que décrit le comparatiste<br />

lorsqu’il analyse une loi ou une décision de jurisprudence<br />

qu’il considère, à tort, comme « figée » et identiquement<br />

appliquée à l’ensemble des situations à caractère juridique<br />

dans un droit donné.<br />

(iv) En tout état de cause, aucun texte juridique dans<br />

aucun droit que ce soit ne saurait être entendu comme offrant<br />

une explication complète de lui-même ou du droit auquel il<br />

renvoie. À travers un texte, une culture s’exprime juridiquement,<br />

ce qui signifie qu’il faudrait pour conférer tout son sens<br />

à tel ou tel autre texte effectuer un travail de décryptage<br />

culturel qui, parce que chaque signe renvoie à un autre signe,<br />

ne peut, au fond, que se prolonger à l’infini. Bref, un texte ne<br />

peut tout simplement pas, sur le plan structurel, être considéré<br />

comme la plus petite unité qui soit 71 . Pour citer Jacques<br />

Derrida, quand il est question de textes, « il n’y a pas<br />

d’atome » 72 . Dès lors, le comparatiste doit avoir recours à une<br />

démarche herméneutique susceptible d’identifier et d’intégrer<br />

dans l’interprétation de la norme tous <strong>les</strong> formants, de<br />

quelque nature qu’ils soient, aptes à en révéler le sens 73 .Or<br />

une stratégie de ce type exclut le simple compte rendu descriptif<br />

de la norme, lequel ne pourrait se révéler qu’étranger<br />

au sens de celle-ci.<br />

(v) Par surcroît, tout texte qui révèle le droit constitue<br />

lui-même un fait de langue dont la plus redoutable caractéris-<br />

71. Voir en ce sens <strong>Legrand</strong>, « Paradoxically », op. cit., note 2, p. 669.<br />

72. Jacques Derrida, Points de suspension, sous la dir. d’Élisabeth Weber,<br />

Paris, Galilée, 1992, p. 147 [1983].<br />

73. Pour la notion de « formant », voir Rodolfo Sacco, La comparaison juridique<br />

au service de la connaissance du droit, Paris, Economica, 1991, pp. 33-50.<br />

<strong>Legrand</strong>1.prn<br />

V:\55125\55125.vp<br />

mercredi 8 avril 2009 16:24:09<br />

57

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!