Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
La comparaison des <strong>droits</strong> expliquée à mes étudiants 225<br />
en omettant tel autre). C’est pourquoi je trouve utile de qualifier<br />
<strong>les</strong> études juridiques comparatives d’ « interventions ».<br />
Ainsi le comparatiste français « intervient » dans le droit<br />
anglais. L’idée d’ « intervention » rejoint celle de « violence<br />
». Car une intervention, c’est une irruption. Intervenir<br />
dans une situation, c’est imposer sa présence. Et c’est cette<br />
imposition qui implique une manifestation de violence. Mais<br />
du moins doit-on, autant qu’il est possible, faire valoir la<br />
« moindre violence ». C’est toute la différence du monde ! En<br />
d’autres termes, il incombe au juriste de minimiser la violence<br />
qui intervient au moment de la re-présentation. Certes,<br />
cette violence ne sera jamais éliminée, mais elle doit pouvoir<br />
être contenue. Comment faire <strong>les</strong> choses, comment dire ce<br />
qu’ « il y a » de manière à éviter l’assimilation indue à<br />
« notre » langue, à « notre » droit, à « nos » schèmes de<br />
pensée ? Pour en arriver à diminuer la portée de la violence<br />
autant que possible, je soutiens que le comparatiste doit se<br />
livrer à des études comparatives à l’enseigne de l’ « analyse<br />
différentielle des juriscultures ». Voici une formule qui n’est<br />
pas simple et qui demande à être amplifiée (je peux immédiatement<br />
confirmer que je parle d’analyse en songeant au<br />
divan : il s’agit, en effet, de mettre le droit étranger sur le<br />
divan...).<br />
Précisons d’abord que ce n’est pas une propriété intrinsèque<br />
d’un droit que d’être différent d’un autre. La différence,<br />
c’est le comparatiste qui la construit. Mais ce bricolage<br />
répond à ce qu’ « il y a » – et c’est en ce sens que l’édification<br />
de différences se distingue de l’affirmation de similarités plus<br />
ou moins artificiel<strong>les</strong>. Je ne veux pas dire ici que la différence<br />
est intrinsèquement positive, qu’elle est « en soi » positive.<br />
On sait trop bien comment la notion de « différence » a été<br />
souvent utilisée pour stigmatiser des peup<strong>les</strong> et exclure des<br />
minorités racia<strong>les</strong>, religieuses, linguistiques ou autres. Mon<br />
argument, c’est que la différence ne doit pas être considérée<br />
comme étant systématiquement négative non plus (ainsi que<br />
le proposent Zweigert, Kötz et <strong>les</strong> autres). Je vais d’ailleurs<br />
plus loin et je retiens l’idée d’un préjugé qui doit s’installer<br />
dans le champ des études juridiques comparatives en faveur<br />
de la différence et ce, au nom de l’éthique du témoignage qui<br />
doit gouverner l’étude du droit étranger. Peut-être tout parti-<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
V:\55125\55125.vp<br />
mercredi 8 avril 2009 16:24:20<br />
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