Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
Problèmes de littérature étrangère 195<br />
devra être véridique autant que faire se peut, acceptable à<br />
tous <strong>les</strong> peup<strong>les</strong> en cause » 51 . Dans ce cas, le savoir est en effet<br />
une connaissance des littératures, c’est-à-dire information et<br />
culture s’inscrivant dans une logique patrimoniale, plutôt<br />
qu’activité d’invention des savoirs. Le pluriel ne remet pas en<br />
cause le réalisme de l’objet littérature(s) certes multiplié,<br />
mais déjà d’avance connu. Étiemble martèle une critique<br />
musclée, et persuasive, de l’eurocentrisme des études littéraires.<br />
Mais c’est pour le surmonter par un effort collégial visant<br />
à compiler un savoir totalisant, au moyen de la multiplication<br />
du volume des connaissances via la constitution de<br />
répertoires et dictionnaires.<br />
Bernheimer, quant à lui, proposait le « team-teaching »<br />
comme puissance épistémologique du comparatisme, c’est-àdire,<br />
ici aussi, le principe de la somme des savoirs 52 . La criticité<br />
mise en avant se mesure donc en termes de couverture.<br />
Le geste de critiquer l’objet par la totalité des objets reste tributaire<br />
d’un positivisme qui bloque le travail de l’altérité.<br />
Lorsqu’Étiemble polémique – « Il faudrait enfin qu’on le<br />
sache : du seul fait qu’elle est ce qu’elle est, la littérature<br />
japonaise fout par terre, d’un seul coup, et pour toujours, nos<br />
théories de l’épopée, ses rapports avec le roman [...]. Toute<br />
théorie littéraire qui s’élabore à partir des seuls phénomènes<br />
européens ne vaudra pas mieux désormais » 53 –, il entretient<br />
la confusion qui voudrait faire passer le total pour critique du<br />
local alors que la vérité, universelle et définitive, contenue<br />
dans la formule « Il faudrait enfin qu’on le sache » équivaut<br />
précisément à couper court au temps de la théorisation. Pour<br />
sa part, Chevrel cherche précisément à se déprendre de ces<br />
totalisations en invoquant des « synthèse[s] provisoire[s] » et<br />
des « totalité[s] [qui] restent toujours problématique[s] » 54 ,<br />
mais de tel<strong>les</strong> modalisations ne peuvent pointer qu’un entredeux<br />
instable et pacificateur, soit suspensif de l’enjeu réel qui<br />
est en question.<br />
Passer de « la littérature » à « <strong>les</strong> littératures » ne constitue<br />
donc pas véritablement un rapport critique, distinctif,<br />
51. Id., p. 33.<br />
52. Voir Bernheimer, « Anxieties », op. cit., note 19, p. 12.<br />
53. Étiemble, op. cit., note 50, p. 14 [j’ai omis <strong>les</strong> italiques].<br />
54. Chevrel, op. cit., note 26, p. 122.<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
V:\55125\55125.vp<br />
mercredi 8 avril 2009 16:24:18<br />
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