Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
Approches épistémologiques de la comparaison 133<br />
exemple), ces séries sont « mêmes » ou non. Pour leur permettre<br />
d’accéder à ce niveau d’abstraction, il faudra placer<br />
<strong>les</strong> enfants dans une situation autorisant la comparaison,<br />
ainsi en leur proposant une troisième collection d’objets<br />
(comme des assiettes) qui sera identique, de ce point de vue, à<br />
l’une des deux collections et différente de l’autre. Plus tard,<br />
ils apprendront, par exemple, que « le nombre » de fourchettes<br />
est « le même que » celui des assiettes et « différent<br />
de » celui des couteaux, et cela sans même savoir compter !<br />
Et pourtant, dira-t-on, il faut comparer ce qui est comparable.<br />
Mais tout dépend de l’objectif qu’on s’assigne. Ce qui<br />
est comparé ici, ce ne sont pas des couverts et des assiettes en<br />
tant qu’objets. Peu importe d’ailleurs qu’ils aient en commun<br />
d’être des ustensi<strong>les</strong> de table. On aurait pu choisir n’importe<br />
quels objets pour constituer <strong>les</strong> collections. Ce qui est mis en<br />
comparaison par l’instituteur, qui poursuit un objectif bien<br />
précis échappant à l’enfant, est autrement plus abstrait :<br />
c’est le cardinal de deux ensemb<strong>les</strong>.<br />
Cette illustration montre que la comparaison n’est pas<br />
neutre et que le rôle de son « metteur en scène » est capital,<br />
quoiqu’on le confonde le plus souvent avec celui d’un observateur.<br />
C’est le comparatiste, en effet, qui sélectionne <strong>les</strong> objets à<br />
comparer en fonction de son savoir antérieur et des objectifs<br />
qu’il poursuit. C’est lui qui, pour peu qu’il soit curieux, s’attachera<br />
à observer dans le détail comment procède le sujet.<br />
Ainsi, à l’aide d’un jeu tout simple consistant à désigner,<br />
parmi plusieurs silhouettes, celle qui correspond au modèle,<br />
nous avons pu observer <strong>les</strong> stratégies des sujets ayant accepté<br />
de se prêter à l’exercice. Alors que <strong>les</strong> uns comparent tour à<br />
tour chaque silhouette au modèle, <strong>les</strong> autres comparent <strong>les</strong><br />
silhouettes entre el<strong>les</strong> et éliminent prioritairement cel<strong>les</strong> qui<br />
présentent une particularité trop visible, sentant intuitivement<br />
que la bonne réponse ne peut pas être celle-là et anticipant,<br />
de ce fait, la stratégie de l’auteur de la devinette.<br />
D’autres encore mêlent <strong>les</strong> deux procédés et finissent dans<br />
tous <strong>les</strong> cas par trouver la solution, car la question est fermée.<br />
Cet exemple est révélateur. À propos d’une question simple,<br />
extérieure au sujet et posée dans un univers très limité dans<br />
lequel se trouve nécessairement « la » solution, le recours à la<br />
comparaison est le plus souvent dépourvu de toute systémati-<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
V:\55125\55125.vp<br />
mercredi 8 avril 2009 16:24:14<br />
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