Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
Toute comparaison des <strong>droits</strong> est une fiction 67<br />
Compris comme un texte relevant de la fiction, soit<br />
comme un amalgame d’éléments référentiels et d’autres<br />
rendant compte de son auteur – c’est-à-dire un « patchwork<br />
» 107 – le discours de la comparaison ne saurait donc être<br />
vrai ou faux. Sa valeur cognitive est ailleurs et réside dans sa<br />
capacité à tenir un propos qui, quoique ne constituant pas la<br />
description d’un réel qui est là, à la portée du comparatiste,<br />
re-présente une interprétation susceptible de conférer un<br />
sens déterminant à cette réalité, sa pertinence, laquelle doit<br />
être appréciée globalement, se trouvant tributaire du degré<br />
d’adéquation que le texte institue par rapport au « réel juridique<br />
» sur lequel il porte. Dans une telle perspective, ce que<br />
l’on a pu appeler l’ « efficacité référentielle de la fiction » 108<br />
– lire l’ « efficacité référentielle de la comparaison » – fait<br />
apparaître une contradiction, du moins au premier abord 109 .<br />
Mais si l’on entend par là renvoyer à la valeur cognitive ou<br />
épistémique du discours de la comparaison, et en particulier<br />
à sa capacité à rendre compte du « réel juridique », il est<br />
indéniable que c’est en s’inscrivant dans le paradigme de la<br />
fiction que le texte comparatiste est davantage en mesure de<br />
faire valoir la gamme de ses potentialités. En dépassant sa<br />
condition de simple reflet référentiel du droit (ou des <strong>droits</strong>),<br />
le discours de la comparaison abordé dans sa globalité se fait<br />
l’expression de l’entendement individuel qu’a le comparatiste<br />
de l’autre droit, lequel, certes sur un autre plan, rend<br />
également compte de l’entendement qu’il se fait de son droit,<br />
du droit, bref, du monde. Par-delà cette dimension interprétative,<br />
le texte comparatif compris en tant que fiction permet<br />
de faire sa place à une dimension constitutive supplémentaire,<br />
à savoir l’interprétation qui en est proposée par le<br />
lecteur. La relevance du discours de la comparaison se trouve<br />
ainsi tributaire non seulement du « possible » de l’auteur par<br />
107. Genette, op. cit., note 7, p. 136 [<strong>les</strong> italiques sont de l’auteur].<br />
108. J’emprunte le concept à Montalbetti, op. cit., note 12, p. 31.<br />
109. C’est d’ailleurs la principale « qualité » qui manquait au discours fictionnel<br />
et qui permettait de le distinguer du discours référentiel à l’époque où le premier<br />
était encore décrit comme un volet négatif du second. Voir en ce sens Jean-Marie<br />
Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, Le Seuil, 1999, p. 225 : « [T]ous [<strong>les</strong> usages des<br />
dispositifs fictionnels] partagent au moins une condition négative : une modélisation<br />
fictionnelle n’est pas destinée à être utilisée comme une représentation à fonction<br />
référentielle. »<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
V:\55125\55125.vp<br />
mercredi 8 avril 2009 16:24:09<br />
67