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Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand

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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />

Composite Trame par dØfaut<br />

196 Claire Joubert<br />

au discours de la théorie littéraire sur la littérarité, comme le<br />

voudrait Étiemble. Le geste reste, en ce sens, pré-théorique.<br />

Il fait relever la littérature de la connaissance, sans la déplacer,<br />

ou la fait dépendre de la compétence du connaisseur, soit<br />

de celle de l’ « homme cultivé » 55 , et de l’appréciation esthétique.<br />

Le comparatiste sera alors un cultivé, un lettré, un<br />

grand lecteur – comme si ce que c’est qu’une lecture allait de<br />

soi. Il aura alors à se défendre contre l’accusation de dilettantisme,<br />

de « Bellettrism », qui lui colle aux talons et qu’on<br />

retrouve tant dans le rapport Greene de 1975 que chez Saussy<br />

ou que chez Brunel et Chevrel. Il sera aussi esthète, tenant la<br />

littérature, selon sa conception esthétique traditionnelle,<br />

comme culture humaniste. Une définition empruntée à un<br />

manuel fait d’ailleurs état de ces repères de manière manifeste<br />

: « La littérature comparée est l’art méthodique, par la<br />

recherche de liens d’analogie, de parenté et d’influence, de rapprocher<br />

[...] <strong>les</strong> faits et <strong>les</strong> textes littéraires entre eux, distants ou<br />

non dans le temps ou dans l’espace, pourvu qu’ils appartiennent<br />

à plusieurs langues ou plusieurs cultures, fissent-el<strong>les</strong> partie<br />

d’une même tradition, afin de mieux <strong>les</strong> décrire, <strong>les</strong> comprendre<br />

et <strong>les</strong> goûter. » 56 Ainsi il s’agit de « décrire et comprendre » des<br />

« faits » et des significations qui sont non pas à travailler<br />

dans une théorisation de la lecture, mais donnés dans <strong>les</strong> textes,<br />

de « goûter » des objets esthétiques. C’est l’ « art » du<br />

comparer, finalement, comme réduction de l’activité du<br />

savoir au raffinement d’un savoir-faire, mais aussi comme<br />

esthétisation de l’art du langage. On substitue à l’art du<br />

poème l’habileté du lettré. Étiemble oriente clairement le<br />

comparatisme vers cette dé-problématisation : « Il y a donc<br />

un usage humaniste de la littérature », écrit-il, et le comparatisme<br />

sera cet humanisme, « en amateur (au sens favorable de<br />

celui qui aime) », animé par une « gourmandise exceptionnelle<br />

» 57 . En cultivant l’anhistorique du goût, cet amour de<br />

l’humain maintient en place tout un complexe idéologique et<br />

le laisse à son impensé alors même que la « théorie littéraire »<br />

55. Étiemble, op. cit., note 50, p. 32.<br />

56. <strong>Pierre</strong> Brunel, Claude Pichois et André-Michel Rousseau, Qu’est-ce que la littérature<br />

comparée ?, 2 e éd., Paris, A. Colin, 1996, p. 150 [<strong>les</strong> italiques sont des<br />

auteurs].<br />

57. Étiemble, op. cit., note 50, p. 33 [<strong>les</strong> italiques sont de l’auteur].<br />

<strong>Legrand</strong>1.prn<br />

V:\55125\55125.vp<br />

mercredi 8 avril 2009 16:24:18<br />

196

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