Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
56 Raluca Bercea<br />
bilité de comparer des <strong>droits</strong> et doit se contenter de comparer<br />
des signes de <strong>droits</strong>, illustre un écart entre le discours de la<br />
comparaison et le monde dont un texte est censé rendre<br />
compte. Alors que le choix du comparatiste ordonne <strong>les</strong><br />
« <strong>droits</strong> » du monde pour <strong>les</strong> besoins du discours qu’il entend<br />
tenir à leur sujet, son approche relève décidément de la représentation<br />
entendue comme mimèsis ou fiction : « Les<br />
mondes dont nous parlons, réels ou fictifs, cachent habilement<br />
leurs profondes fractures, et notre langage, nos textes,<br />
s’arrangent [...] pour nous faire croire qu’ils conduisent sans<br />
difficulté vers ces mondes. » 69<br />
(ii) Étant donné la nature même du rapport qu’ils entretiennent<br />
avec <strong>les</strong> « <strong>droits</strong> » dont ils sont issus, <strong>les</strong> textes juridiques<br />
à partir desquels le comparatiste met en correspondance<br />
<strong>les</strong> <strong>droits</strong> qu’il compare n’épuisent que partiellement<br />
leurs référents. Dans ces conditions, l’image que ces textes<br />
rendent du droit sera toujours incomplète et celui-ci, dès lors,<br />
échappera inévitablement au comparatiste, la multiplication<br />
des textes auxquels il renvoie ne pouvant tout simplement<br />
pas faire office de solution 70 . Dans la mesure où elle entend se<br />
faire référentielle à tout prix, la recherche comparative devra<br />
du moins aller au-delà des signes auxquels elle s’en remet<br />
habituellement – soit <strong>les</strong> textes législatifs et <strong>les</strong> décisions de<br />
jurisprudence – et se pencher sur d’autres manifestations du<br />
droit susceptib<strong>les</strong> d’en compléter l’image.<br />
(iii) Si, s’agissant de comparaison des <strong>droits</strong>, il y a lieu de<br />
rendre compte de manière approfondie de l’écart intervenant<br />
entre un texte de la nature d’une loi ou d’une décision de<br />
jurisprudence, par exemple, et le droit qu’un tel texte est<br />
69. Pavel, op. cit., note 6, p. 95.<br />
70. Je retiens l’idée selon laquelle le comparatiste décrit le droit à partir des<br />
signes ou manifestations qui le rendent visible. Or l’une des propriétés du signe a<br />
trait à sa plasticité, notion qui renvoie à la capacité du signe de ne pas être identique<br />
à lui-même, comme le relevait déjà Saint-Augustin (354-430), qui traitait du signe en<br />
tant que ce qui se révèle lui-même au sens et qui, à part lui-même, révèle à l’esprit<br />
quelque chose d’autre. Si le désavantage évident de la signification a trait à l’incomplétude<br />
de la re-présentation, le fait que cette dernière soit le fruit d’un processus de<br />
médiation revêt pourtant un aspect positif. Puisque le propre du signe est de rassembler<br />
le représenté et la re-présentation, il incite l’esprit à se livrer à une appréhension<br />
plus intense et favorise ainsi une compréhension plus riche. Pour une discussion de la<br />
sémiotique augustinienne, voir Tzvetan Todorov, Théories du symbole, Paris, Le<br />
Seuil, 1977, pp. 34-58. Pour une réflexion plus générale sur l’activité signifiante, voir<br />
id., pp. 261-284.<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
V:\55125\55125.vp<br />
mercredi 8 avril 2009 16:24:09<br />
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