Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
66 Raluca Bercea<br />
dorénavant nette : « L’énoncé de fiction n’est ni vrai ni<br />
faux [...], ou est à la fois vrai et faux : il est au-delà ou en<br />
deçà du vrai et du faux. » 99 Pour reprendre la célèbre formule<br />
de Mark Twain, « au contraire de la vérité, la fiction est<br />
obligée de s’en tenir au possible » 100 .<br />
Selon cette démarche, la question de savoir dans quel<strong>les</strong><br />
conditions un énoncé intégré à un discours – et, plus généralement,<br />
l’ensemble même du discours – peuvent être considérés<br />
comme pertinents ou possib<strong>les</strong>, doit être tranchée à l’intérieur<br />
du discours même et par rapport à celui-ci. Elle ne<br />
relève plus d’un au-delà du texte. Le réflexe référentiel étant<br />
aboli, l’on constate qu’il n’y a pas de vérité hors du texte 101 ,<br />
voire qu’ « il n’y a pas de hors-texte » 102 . L’idée de « texte »<br />
est ainsi remise en cause. Il ne s’agit plus d’envisager un<br />
texte, qu’il soit factuel ou fictionnel, comme un « sentie[r]<br />
référentie[l] qui mèn[e] a[u] mond[e] » ; bien plutôt, l’on<br />
retient que « lire un texte [...] c’est déjà vivre dans [son]<br />
mond[e] » 103 . Dénonçant l’ « illusion référentielle » 104 , <strong>les</strong> théoriciens<br />
du texte – désormais entendu comme structure dynamique<br />
dont <strong>les</strong> éléments agissent <strong>les</strong> uns par rapport<br />
aux autres 105 – soutiennent que « si <strong>les</strong> énoncés fictifs<br />
sont pertinents, c’est grâce à ce qu’ils expriment métaphoriquement<br />
» 106 .<br />
99. Genette, op. cit., note 7, p. 99. Des pragmaticiens ont d’ailleurs vu dans le<br />
renvoi à la valeur de vérité de la logique traditionnelle une « suspension volontaire<br />
de l’incrédulité » – <strong>les</strong> mots sont de Samuel Coleridge (1772-1834) –, soit la marque<br />
même du discours fictionnel. Voir en ce sens Montalbetti, op. cit., note 12, p. 24.<br />
Pour la formule du poète anglais, voir Samuel T. Coleridge, Biographia Literaria,<br />
sous la dir. de James Engell et W. Jackson Bate, Princeton, Princeton University<br />
Press, 1983, II, p. 6 [« willing suspension of disbelief »] (1817).<br />
100. Mark Twain, Following the Equator, New York, Harper, 1925, I, p. 137<br />
[« Fiction is obliged to stick to possibilities ; Truth isn’t »] (1897). Cette phrase est<br />
l’une des deux épigraphes portées au chapitre XV de l’ouvrage.<br />
101. Voir <strong>Legrand</strong>, « Comparative Legal Studies », op. cit., note 62, p. 443, où<br />
l’auteur retient la formule selon laquelle « il n’y a pas de vérité hors du discours »<br />
pour rendre compte de la pensée de Michel Foucault [« there is no truth outside<br />
discourse »].<br />
102. Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Éditions de Minuit, 1967,<br />
p. 227 [<strong>les</strong> italiques sont de l’auteur].<br />
103. Pavel, op. cit., note 6, p. 96.<br />
104. Roland Barthes, « L’effet de réel », dans Œuvres complètes, 2 e éd. sous la<br />
dir. d’Éric Marty, Paris, Le Seuil, 2002, III, p. 31 [<strong>les</strong> italiques sont de l’auteur]<br />
(1968). Ainsi Barthes restreint la fonction référentielle des textes littéraires, qu’il<br />
limite aux seuls effets intra-textuels.<br />
105. Voir Pavel, op. cit., note 6, pp. 149-150.<br />
106. Reboul, op. cit., note 41, p. 38.<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
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mercredi 8 avril 2009 16:24:09<br />
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