Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
Toute comparaison des <strong>droits</strong> est une fiction 51<br />
III | SUR L’ « INSTINCT RÉFÉRENTIEL<br />
III | IRRÉSISTIBLE » 57<br />
Quelle référence, donc, pour le discours de la comparaison<br />
des <strong>droits</strong> ?<br />
Traditionnellement, <strong>les</strong> pratiques référentiel<strong>les</strong> dites<br />
« norma<strong>les</strong> » sont considérées comme étant conditionnées par<br />
l’axiome d’existence. C’est par exemple ce que retient Searle,<br />
qui établit que « [l]’une des conditions de l’accomplissement<br />
réussi de l’acte de langage de la référence est que l’objet<br />
auquel le locuteur fait référence doit exister » 58 . Ainsi le discours<br />
prototypique, issu de l’usage normal du langage, porte<br />
sur le réel, c’est-à-dire sur ce qui existe, et c’est ce réel qu’il<br />
entend refléter fidèlement, c’est-à-dire vraiment. C’est justement<br />
ce genre de discours dont Kötz pense qu’il peut véhiculer<br />
et animer la comparaison. Or l’illusion dans laquelle s’enferme<br />
Kötz dépend de la manière volontairement réductrice<br />
dont il conçoit la référence. À ses yeux, le droit est « dans » la<br />
réalité dont il représente une « partie », qui peut dès lors être<br />
précisément, et objectivement, délimitée par le comparatiste,<br />
lequel est ainsi en mesure de mettre de côté, assez tôt dans sa<br />
démarche, <strong>les</strong> autres « parties » de la réalité, qui, el<strong>les</strong>, ne<br />
sont pas du droit 59 . Mais la relation entre le comparatiste et le<br />
57. J’emprunte son syntagme à Pavel, op. cit., note 6, p. 96.<br />
58. Searle, op. cit., note 19, p. 115 [« One of the conditions on the successful<br />
performance of the speech act of reference is that there must exist an object that the speaker<br />
is referring to »].<br />
59. Pour une affirmation relative au caractère « nomocentrique » du discours<br />
de Kötz, voir <strong>Legrand</strong>, « Paradoxically », op. cit., note 2, p. 641 [« nomocentric »].<br />
Pour un énoncé de Kötz prônant l’extraction du droit de la réalité, c’est-à-dire prétendant<br />
effectuer la purification du droit par rapport aux autres éléments constitutifs<br />
du réel, voir Zweigert et Kötz, op. cit., note 3, p. 44 : « Les solutions que nous<br />
trouvons dans <strong>les</strong> différents <strong>droits</strong> doivent être détachées de leur contexte conceptuel<br />
et dépouillées de leurs connotations doctrina<strong>les</strong> nationa<strong>les</strong> » [« the solutions we<br />
find in the different jurisdictions must be cut loose from their conceptual context and<br />
stripped of their national doctrinal overtones »]. Il convient de préciser que cette formulation<br />
ne contredit en rien un autre passage du même auteur selon lequel « le<br />
comparatiste doit parfois regarder à l’extérieur du droit » : id., p. 39 [« the<br />
comparatist must sometimes look outside the law »]. Au contraire, la conception selon<br />
laquelle il y aurait un « dehors » du droit ne fait que renforcer l’idée qu’une division<br />
entre droit et non-droit est réellement possible, ce qui rend dès lors également possible<br />
la référence au droit tel qu’en lui-même.<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
V:\55125\55125.vp<br />
mercredi 8 avril 2009 16:24:08<br />
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