Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
288 Simone Glanert<br />
est en droit et essentiellement inscrit dans une chaîne ou dans<br />
un système à l’intérieur duquel il renvoie à l’autre, aux autres<br />
concepts, par jeu systématique de différences » 27 . Par<br />
exemple, le mot « froid » n’acquiert de sens que dans ses rapports<br />
avec d’autres expressions, tel le « chaud », le « tiède »,<br />
l’ « hiver » ou l’ « été ». Puis, chacun de ces mots est à son<br />
tour étroitement lié à d’autres mots dans la même langue<br />
(l’ « hiver » évoque ainsi la « neige » et l’ « été » le « soleil »).<br />
Tout texte constitue donc l’entrelacement d’un nombre infini<br />
de signes ou de « traces », qui sont à la fois absents et présents<br />
(lorsqu’il est question de « froid », le « chaud » n’est pas<br />
présent au sens strict – puisqu’il fait froid –, mais il n’est pas<br />
non plus tout à fait absent puisque le « froid » est impensable<br />
sans une distinction à tout le moins tacite d’avec ce qui est<br />
« chaud »). Derrida fait observer que « [c]et enchaînement,<br />
ce tissu, est le texte qui ne se produit que dans la transformation<br />
d’un autre texte. Rien, ni dans <strong>les</strong> éléments ni dans le<br />
système, n’est nulle part ni jamais simplement présent ou<br />
absent. Il n’y a, de part en part, que des différences et des traces<br />
de traces » 28 . Par ailleurs, ce « jeu de différences » dont<br />
parle Derrida ne se manifeste pas seulement à travers <strong>les</strong> rapports<br />
qu’entretiennent <strong>les</strong> signes linguistiques, mais aussi, et<br />
surtout, lors de l’interaction incessante du texte avec son<br />
contexte. En effet, aucun texte, que ce soit une œuvre littéraire<br />
ou philosophique, un tableau ou une symphonie, ne<br />
peut être dissocié ni de la vie de son créateur ni des événements<br />
qui ont marqué son époque ni de sa réception par le<br />
public. Derrida rappelle ainsi à juste titre qu’ « [i]l n’y a pas<br />
de hors-texte », chaque texte étant inévitablement porteur<br />
d’éléments d’ordre historique, social, politique, psychologique,<br />
économique ou autre 29 . Dès lors, le texte, qui, dans le<br />
temps et dans l’espace, donne lieu à de multip<strong>les</strong> lectures et<br />
relectures, ne contient pas un sens précis : « L’original se<br />
donne en se modifiant [...], il vit et survit en mutation. » 30<br />
27. Jacques Derrida, Marges, Paris, Éditions de Minuit, 1972, p. 11.<br />
28. Id., Positions, Paris, Éditions de Minuit, 1972, p. 38 [<strong>les</strong> italiques sont de<br />
l’auteur] (ci-après Positions).<br />
29. Id., De la grammatologie, Paris, Éditions de Minuit, 1967, p. 227 [<strong>les</strong> italiques<br />
sont de l’auteur].<br />
30. Id., « Babel », op. cit., note 10, p. 217.<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
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mercredi 8 avril 2009 16:24:24<br />
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