Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
94 Pier Giuseppe Monateri<br />
rents <strong>droits</strong> qui, par-delà l’affirmation de leur identité,<br />
mènent une lutte géopolitique toujours plus explicite pour le<br />
gouvernement juridique du monde.<br />
Bouleversant l’image conventionnelle des études juridiques<br />
comparatives en tant qu’entreprise « scientifique », ce<br />
schéma en trois volets démontre bien qu’à l’instar de tout<br />
discours juridique, la comparaison des <strong>droits</strong> se fait forcément<br />
rhétorique et idéologisée, organisant l’ « espace exotique<br />
» d’une culture juridique donnée pour produire des<br />
arguments orientés vers telle ou telle autre conclusion. Même<br />
la classification des <strong>droits</strong>, à laquelle de nombreux comparatistes<br />
consacrent d’importants efforts didactiques, s’offre<br />
comme une illustration spectaculaire d’idéologisation de la<br />
pensée comparative alors que d’aucuns s’attendraient à ce<br />
que <strong>les</strong> comparatistes se contentent de faire état de la « neutralité<br />
» qui sied à des regroupements savants. L’entomologiste<br />
ne classe-t-il pas <strong>les</strong> variétés d’insectes sans l’expression<br />
d’une quelconque manifestation d’intérêt personnel ? S’agissant<br />
des études juridiques comparatives, la question de la<br />
classification des <strong>droits</strong> reste toutefois foncièrement idéologique<br />
en ce qu’elle met en cause <strong>les</strong> notions d’ « identité » et<br />
de « différence », posant ainsi un « nous » face à des<br />
« autres » – ce dont <strong>les</strong> trois exemp<strong>les</strong> qui suivent font<br />
amplement état.<br />
Pendant <strong>les</strong> années 1950 et 1960, soit à l’époque de la<br />
« Guerre froide », l’ouvrage de René David schématisa <strong>les</strong><br />
<strong>droits</strong> du monde selon une distinction entre <strong>droits</strong> « romanogermaniques<br />
», « socialistes » et de « common law » 101 , l’ensemble<br />
des autres <strong>droits</strong> se voyant relégué à une dernière<br />
catégorie aussi vaste qu’indifférenciée. Or dans chacune des<br />
trois catégories principa<strong>les</strong>, un droit dominait <strong>les</strong> autres.<br />
S’agissant des pays de common law, le droit des États-Unis<br />
était envisagé comme primordial. Parmi <strong>les</strong> <strong>droits</strong> socialistes,<br />
la suprématie du droit de l’Union soviétique allait de soi.<br />
Quant aux <strong>droits</strong> romano-germaniques, c’était la France<br />
qui, aux yeux de David, occupait le premier rang. Ainsi le<br />
droit français se hissait-il au même échelon que <strong>les</strong> <strong>droits</strong><br />
101. Voir aujourd’hui René David, Les grands systèmes de droit contemporains,<br />
11 e éd. par Camille Jauffret-Spinosi, Paris, Dalloz, 2002.<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
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mercredi 8 avril 2009 16:24:11<br />
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