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Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand

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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />

Composite Trame par dØfaut<br />

62 Raluca Bercea<br />

« densité référentielle » particulière selon la place que le comparatiste<br />

fera à la « réalité » du droit (ou, mieux, des <strong>droits</strong>)<br />

dans son discours, c’est-à-dire en fonction du rapport qu’il<br />

installera entre texte et « réalité » 86 . Comme toute création, le<br />

discours de la comparaison fait donc <strong>les</strong> choses graduellement.<br />

En ce qu’il représente un objet « réel » tout en le créant dans<br />

son œuvre, le discours de la comparaison des <strong>droits</strong> n’est<br />

d’ailleurs pas sans rappeler la peinture dite « figurative », car<br />

le peintre, lui aussi, représente un objet réel tout en le créant<br />

au titre de son œuvre 87 .<br />

L’acte de comparaison est donc foncièrement individuel.<br />

Loin de relever du domaine de l’a priori, il doit rendre compte<br />

non seulement de ce dont il parle, mais aussi des conditions<br />

dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> le comparatiste a eu recours à la parole ou, si<br />

l’on veut, des circonstances dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> le comparatiste<br />

s’est saisi du référent. Ainsi comprise, la re-présentation<br />

comparatiste implique non pas tant la formulation d’une ressemblance<br />

(qui serait d’ailleurs nécessairement inadéquate)<br />

qu’une interprétation 88 , soit une version plutôt qu’une copie de<br />

ce qui est re-présenté. Et puisque la comparaison doit être<br />

entendue comme un acte situé, c’est le paradigme du discours<br />

de fiction qui, mieux que le discours référentiel, rend fidèlement<br />

compte de la démarche du comparatiste. À cet égard, il<br />

est utile de renvoyer à la pensée de Nelson Goodman, selon<br />

lequel un énoncé de fiction comporte deux dimensions qui<br />

coexistent simultanément, soit la « représentation » (ou la<br />

« dénotation ») et l’ « expression » (ou la « possession ») 89 .<br />

Très plastique, le concept de « possession » connote la<br />

manière, rendue visible dans son texte, dont l’auteur a procédé<br />

afin de s’emparer du référent. Pour paraphraser Goodman, le<br />

discours de la comparaison exprime la « réalité » du droit.<br />

86. Pavel, op. cit., note 6, p. 129 [<strong>les</strong> italiques sont de l’auteur].<br />

87. Pour l’idée de gradualité dans la création et l’analogie avec la peinture, voir<br />

id., p. 142. Relativement à cette problématique-ci, voir également Todorov, op. cit.,<br />

note 70, pp. 203-206, où l’auteur discute <strong>les</strong> thèses de Wilhelm von Humboldt (1767-<br />

1835) comparant le langage à l’art.<br />

88. Voir <strong>Legrand</strong>, Droit comparé, op. cit., note 74, p. 16.<br />

89. Pour une discussion des thèses de Goodman, voir Reboul, op. cit., note 41,<br />

pp. 35-37. Adde : Nelson Goodman, Langages de l’art, trad. par Jacques Morizot,<br />

Nîmes, J. Chambon, 1990, pp. 33-77 [1976] (« representation »/«denotation »/<br />

« expression »/«possession »).<br />

<strong>Legrand</strong>1.prn<br />

V:\55125\55125.vp<br />

mercredi 8 avril 2009 16:24:09<br />

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