Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
Toute comparaison des <strong>droits</strong> est une fiction 55<br />
sions de justice. Pourtant, cel<strong>les</strong>-ci sont à leur tour des êtres<br />
de parole fonctionnant en quelque sorte comme des signes,<br />
renvoyant de l’une à l’autre et opérant une espèce de mise en<br />
abyme du droit (ou plutôt, d’un certain droit) sur lequel el<strong>les</strong><br />
portent et qu’el<strong>les</strong> révèlent, mais qu’el<strong>les</strong> n’épuisent jamais,<br />
d’où, parfois, la sensation de vertige qui s’empare du comparatiste<br />
lorsqu’il essaie de refaire l’image d’ensemble d’un<br />
droit en en conciliant <strong>les</strong> différentes manifestations. Ainsi le<br />
référent du discours de la comparaison est encore plus éloigné<br />
par rapport au texte qu’il n’y paraissait au premier abord.<br />
C’est que le comparatiste qui compare des <strong>droits</strong> retient<br />
d’emblée comme point de référence non pas « le droit » ou<br />
« <strong>les</strong> <strong>droits</strong> » au sens global, mais bien quelques signes qui,<br />
dans deux ou plusieurs <strong>droits</strong> distincts, sont censés référer à<br />
la même réalité (ou, du moins, à une réalité comparable) 68 .<br />
Dans cette perspective, il convient de prendre en considération<br />
divers éléments, tous susceptib<strong>les</strong> de brouiller <strong>les</strong> relations<br />
déjà équivoques entre le discours de la comparaison et<br />
son référent (si l’on entend par « référent », « le droit » au<br />
sens non problématique qu’envisage Kötz).<br />
(i) Les médiateurs de la référence ultime du discours<br />
dépendent du choix du comparatiste, qui s’investit lui-même,<br />
avec sa subjectivité et ses conditionnements de nature variée,<br />
dans le choix des textes de droit qu’il compare. C’est le comparatiste<br />
qui décide, au point de départ de toute recherche<br />
comparative, que tel ou tel texte plutôt que tel ou tel autre se<br />
fait tout particulièrement révélateur d’un aspect donné du<br />
droit. Mais le comparatiste laisse alors de côté d’autres textes<br />
qui, à leur manière, auraient pu se montrer tout aussi éloquents<br />
que ceux qui ont su retenir son attention (et qui<br />
auraient fort possiblement pu interpeller un autre comparatiste).<br />
Or ce choix, intrinsèque à toute démarche comparative<br />
dans la mesure où tout comparatiste se trouve dans l’impossi-<br />
68. Il vaut de rappeler qu’en vertu d’un des piliers du modèle théorique qu’il<br />
défend, Kötz estime, eu égard au choix par le comparatiste des signifiants juridiques<br />
qu’il se propose de comparer (et qu’il choisit donc de valoriser), que « des incomparab<strong>les</strong><br />
ne peuvent pas être utilement comparés et [qu’]en droit <strong>les</strong> seu<strong>les</strong> choses qui<br />
sont comparab<strong>les</strong> sont cel<strong>les</strong> qui remplissent la même fonction » : Zweigert et Kötz,<br />
op. cit., note 3, p. 34 [« Incomparab<strong>les</strong> cannot usefully be compared, and in law the only<br />
things which are comparable are those which fulfill the same function »].<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
V:\55125\55125.vp<br />
mercredi 8 avril 2009 16:24:09<br />
55