Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
292 Simone Glanert<br />
du texte cible. Or Schleiermacher estime que le traducteur ne<br />
peut emprunter que l’un de deux chemins différents : « Ou<br />
bien le traducteur laisse l’écrivain le plus tranquille possible<br />
et fait que le lecteur aille à sa rencontre, ou bien il laisse le lecteur<br />
le plus tranquille possible et fait que l’écrivain aille à sa<br />
rencontre. » 40 Par cette formule, Schleiermacher met en<br />
lumière l’opposition fondamentale entre ce qu’on a pertinemment<br />
qualifié d’approches « éthique » et « ethnocentrique »<br />
de la traduction 41 . Il ne fait aucun doute que la quasi-totalité<br />
des théories contemporaines de la traduction s’articulent<br />
autour de cette distinction primordiale 42 . Du reste, bien que<br />
<strong>les</strong> propos tenus par Schleiermacher ont essentiellement<br />
influencé le domaine de la traduction littéraire, sa conception<br />
d’un mode de traduction éthique, dont l’objet est de conduire<br />
le lecteur vers l’écrivain, a, depuis peu, fait son entrée dans le<br />
champ des études juridiques comparatives. En raison de<br />
son importance, la distinction défendue par Schleiermacher<br />
appelle donc de plus amp<strong>les</strong> développements.<br />
Notons d’emblée que la traduction éthique, où « le traducteur<br />
s’efforce de remplacer par son travail la connaissance<br />
de la langue d’origine dont manque le lecteur » 43 , constitue<br />
celle des deux méthodes de traduction favorisée par Schleiermacher<br />
lui-même 44 . Au moment où celui-ci en fait l’éloge, elle<br />
n’est d’ailleurs pas dépourvue d’antécédents. Ainsi, quoique<br />
connu pour sa traduction « germanisante » de la Bible, Martin<br />
Luther (1483-1546) a occasionnellement eu recours à une<br />
traduction éthique dans le souci de respecter <strong>les</strong> particularités<br />
de la langue source 45 . Dans son « Épître sur l’art de traduire »<br />
40. Id., p. 49 [« Entweder der Uebersezer läßt den Schriftsteller möglichst in Ruhe,<br />
und bewegt den Leser ihm entgegen ; oder er läßt den Leser möglichst in Ruhe und bewegt<br />
den Schriftsteller ihm entgegen »]. Pour un énoncé analogue, voir Johann Wolfgang<br />
Goethe, « Zum brüderlichen Andenken Wielands », dans Sämtliche Werke, sous la<br />
dir. de Christoph Siegrist et al., Munich, C. Hanser, 1987, IX, p. 955 [1813].<br />
41. Antoine Berman, La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain, Paris, Le<br />
Seuil, 1999, p. 78.<br />
42. Voir Harald Kittel et Andreas Poltermann, « German Tradition », dans<br />
Routledge Encyclopedia of Translation Studies, sous la dir. de Mona Baker, Londres,<br />
Routledge, 1998, p. 424.<br />
43. Schleiermacher, op. cit., note 39, p. 49 [« der Uebersezer (ist) bemüht, durch<br />
seine Arbeit dem Leser das Verstehen der Ursprache, das ihm fehlt, zu ersezen »].<br />
44. Quoiqu’il ne formule pas explicitement sa préférence, celle-ci ressort nettement<br />
de l’ensemble de son texte.<br />
45. Voir Catherine Bocquet, L’art de la traduction selon Martin Luther, Arras,<br />
Artois Presses Université, 2000, pp. 87-98.<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
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mercredi 8 avril 2009 16:24:25<br />
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