Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
300 Simone Glanert<br />
rique, social, politique, psychologique et économique – lequel<br />
ne saurait être que singulier. Dès lors, la différence doit constituer,<br />
d’après cet auteur, le principe fondamental guidant toute<br />
étude juridique comparative. <strong>Legrand</strong>, qui reconnaît la place<br />
significative qu’occupe la langue dans le cadre de la comparaison<br />
des <strong>droits</strong>, estime que « traduire implique [...] un travail sur<br />
la langue d’accueil, puisqu’il faut y faire entendre la voix insolite<br />
de l’altérité » 76 . Par exemple, aucun comparatiste « ne peut<br />
prétendre, tout en maintenant l’intégrité du processus de comparaison<br />
comme l’authenticité du comparandum, représenter le<br />
droit allemand en langue anglaise en cherchant délibérément à<br />
l’angliciser » 77 . Il convient, au contraire, de faire la plus grande<br />
place possible à l’étrangeté de l’autre droit. De l’avis de<br />
<strong>Legrand</strong>, « [l]es comparatistes doivent permettre à l’autre de<br />
réaliser sa vision de son monde » 78 .<br />
J’y reviens. Sur le plan moral, l’approche éthique constitue<br />
le seul mode de traduction acceptable. Toute stratégie<br />
ayant pour objectif d’adapter le texte original aux exigences<br />
et valeurs qui ont cours dans la langue ou la culture d’accueil<br />
reviendrait, en effet, à une négation de l’étranger. Mais l’adoption<br />
de ce point de vue laisse entière la question de savoir<br />
dans quelle mesure la langue et la culture d’accueil peuvent<br />
accommoder l’autre. Dire qu’el<strong>les</strong> doivent faire une place à<br />
l’étrangeté est une chose. Affirmer leur capacité d’accueil en<br />
est une autre. L’ « [h]ospitalité langagière », c’est-à-dire ce<br />
« plaisir de recevoir chez soi, dans sa propre demeure d’accueil,<br />
la parole de l’étranger » 79 , n’est-elle pas soumise à certaines<br />
limites ? Cette interrogation soulève celle de la portée<br />
même de la notion d’ « éthique », qui se manifeste, de<br />
manière plus ou moins appuyée, chez <strong>les</strong> différents penseurs<br />
auxquels j’ai renvoyé, de Schleiermacher à <strong>Legrand</strong>, sans<br />
76. Id., Le droit comparé, 3 e éd., Paris, PUF, 2009, p. 115.<br />
77. Ibid., p. 107.<br />
78. Id., « Issues in the Translatability of Law », dans Nation, Language, and the<br />
Ethics of Translation, sous la dir. de Sandra Bermann et Michael Wood, Princeton,<br />
Princeton University Press, 2005, p. 41 [« Comparatists must permit the other to realize<br />
her vision of her world »]. Pour un argument en faveur d’une éthique de la traduction<br />
formulé par un juriste sans qu’il soit fait référence expresse au droit, voir François Ost,<br />
« La septième cité : la traduction », dans Traduire nos responsabilités planétaires :<br />
recomposer nos paysages juridiques, sous la dir. de Christoph Eberhard, Bruxel<strong>les</strong>,<br />
Bruylant, 2008, pp. 98-108.<br />
79. Paul Ricœur, Sur la traduction, Paris, Bayard, 2004, p. 20 [1997].<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
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mercredi 8 avril 2009 16:24:25<br />
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