Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
170 Igor Stramignoni<br />
façon aussi à ce qu’au moins une forme de questionnement<br />
puisse être sauvegardée « qui n’élude pas cette prégnance<br />
technique et qui en fasse un problème, sans être pour autant<br />
une pièce du “dispositif” qui régit ce monde » 108 ?<br />
Une possibilité serait justement de repenser le fond de la<br />
comparaison du droit par rapport à l’essence de la technique<br />
moderne en tant que dispositif. Chez Heidegger, repenser<br />
cette essence était une façon de retourner à la « question<br />
de l’être » qu’il avait posée depuis longtemps à partir non<br />
pas de l’espace traditionnel de la subjectivité, mais plutôt du<br />
domaine transcendantal de l’expérience de l’être-là<br />
(« Dasein ») 109 . Or quelle est la détermination simple et unitaire<br />
de l’être et, en particulier, du Da-sein ? Que veut dire<br />
« être » ? Chez Heidegger, dire que l’être essentiellement est,<br />
veut dire, temporalité (Zeitlichkeit). Partant de là, une analyse<br />
avertie doit montrer, toujours selon Heidegger, que tout ce<br />
qu’on appelle « fondement » n’est que transcendance, c’est-àdire<br />
liberté finie 110 , donc, en même temps, « possibilité, base,<br />
légitimation » 111 . Au fond de la comparaison du droit, il en ira<br />
alors de cela et, spécifiquement, de ce que tout souci de la persistance<br />
et de la substance nous porte, chaque fois, à séparer,<br />
constituer et légitimer ce que, chaque fois, nous appellerons,<br />
de façon un peu illusoire, « même » et « autre » 112 .<br />
108. Dubois, op. cit., note 102, p. 214.<br />
109. Voir Martin Heidegger, « Introduction », dans Être et temps, trad. par<br />
François Fédier, Paris, Gallimard, 1986, § 1, 2, p. 27 [1927] ; id., « Lettre sur l’humanisme<br />
» (trad. par Roger Munier) et « Lettre à Richardson » (trad. par Jean<br />
Lauxerois et Claude Roëls), dans Martin Heidegger, Questions III et IV, Paris, Gallimard,<br />
1976, pp. 65-127 et 338-351, respectivement [1946 et 1962].<br />
110. « La liberté comme transcendance [...] est l’origine de tout fondement comme<br />
tel. Liberté signifie liberté pour fonder. [...] Et n’est-ce pas même l’essence finie de la<br />
liberté en général qui est attestée ici ? » : Martin Heidegger, « Ce qui fait l’êtreessentiel<br />
d’un fondement ou “raison” », dans Questions I et II, trad. par Henry Corbin,<br />
Paris, Gallimard, 1968, pp. 143-144 et 147 [<strong>les</strong> italiques sont de l’auteur] (1938)<br />
[« Die Freiheit als Transzendenz ist (...) der Ursprung von Grund überhaupt. Freiheit<br />
ist Freiheit zum Grunde » / « Und bekundet sich hierin gar das endliche Wesen<br />
von Freiheit überhaupt ? »].<br />
111. Id., p. 151 [j’ai omis <strong>les</strong> italiques] (« Möglichkeit, Boden, Ausweis »).<br />
112. « [C]hacun des actes d’instituer, de prendre-base, de légitimer, provient respectivement<br />
et à sa façon du Souci de la persistance et de la subsistance, Souci qui, à<br />
son tour, n’est lui-même possible que comme temporalité » : id., p. 153 [<strong>les</strong> italiques<br />
sont de l’auteur] (« Stiftung, Boden-nehmen und Rechtgebung [entspringen] je in ihrer<br />
Weise der Sorge der Beständigkeit und des Bestandes [...], die selbst wiederum nur als<br />
Zeitlichkeit möglich ist »).<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
V:\55125\55125.vp<br />
mercredi 8 avril 2009 16:24:17<br />
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