Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
58 Raluca Bercea<br />
tique a sans doute trait au caractère intrinsèquement pléthorique<br />
du sens. Pour reprendre la pensée de Derrida telle<br />
qu’explicitée par <strong>Pierre</strong> <strong>Legrand</strong>, « ce que signifie un texte<br />
est foncièrement tributaire de l’ambiguïté grammaticale, de<br />
l’instabilité syntaxique et de l’indécidabilité sémantique » 74 .<br />
En d’autres termes, nous avons ici affaire à une difficulté<br />
inhérente à la nature même des référents intermédiaires du<br />
discours de la comparaison, qui sont des mots. Or cet écueil<br />
est insurmontable.<br />
Puisque le texte du comparatiste brouille d’une manière<br />
ou d’une autre le renvoi à quoi que ce soit qui pourrait participer<br />
d’un référent, il convient d’admettre qu’il en va du discours<br />
de la comparaison comme de la fiction : « [L]e tout y<br />
est plus fictif que chacune de ses parties. » 75<br />
Il y a plus. Le comparatiste parle du droit, certes, mais<br />
d’une manière autre que ne le ferait le juriste national qui<br />
traiterait de son propre droit et autrement encore qu’un<br />
juriste renvoyant à un droit différent du sien. En effet, la<br />
caractéristique du discours comparatif consiste en ceci qu’il<br />
met en relation deux référents recelant des extensions différentes<br />
– ou, plus exactement, comme je l’ai fait observer,<br />
deux médiateurs différents censés renvoyer à des référents<br />
comparab<strong>les</strong>. D’emblée, il faut admettre que <strong>les</strong> deux ensemb<strong>les</strong><br />
référentiels, quoiqu’ils se rencontrent par l’entremise du<br />
comparatiste dans une « interface référentielle » qu’aménage<br />
le discours de la comparaison, ne coïncideront jamais parfaitement<br />
76 . En outre, la rencontre même avec un autre système<br />
référentiel dans l’espace de la comparaison mène à une<br />
« déréalisation » du premier droit par rapport à son « “réel”<br />
juridique » habituel 77 . Incapable de faire équivaloir <strong>les</strong> systèmes<br />
des deux référents d’une manière autrement qu’artificielle,<br />
le discours du comparatiste est requis de créer son<br />
74. <strong>Pierre</strong> <strong>Legrand</strong>, Le droit comparé, 3 e éd., Paris, PUF, 2009, p. 66 [ci-après<br />
Droit comparé].<br />
75. Genette, op. cit., note 7, p. 137.<br />
76. Pour la notion d’ « interface référentielle », voir <strong>Legrand</strong>, Droit comparé,<br />
op. cit., note 74, p. 78. Cette idée permet de réfuter l’argument que Kötz échafaude<br />
autour de la notion de « praesumptio similitudinis » et de soutenir que ce n’est que ce<br />
qui diffère qui peut être utilement comparé pourvu qu’il existe une interface référentielle<br />
entre <strong>les</strong> deux ensemb<strong>les</strong> différents.<br />
77. Id., p. 24.<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
V:\55125\55125.vp<br />
mercredi 8 avril 2009 16:24:09<br />
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