Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
232 <strong>Pierre</strong> <strong>Legrand</strong><br />
Pour le positiviste, le droit « posé », c’est à la fois le point<br />
de départ et le point d’arrivée de la recherche comparative,<br />
alors que pour le culturaliste, le droit « posé » ne peut jamais<br />
signifier qu’un point de départ et certainement pas un point<br />
d’arrivée. Il s’agit donc d’un lieu à partir duquel on entreprend<br />
un travail archéologique, à partir duquel on se livre à<br />
une démarche d’excavation, à des fouil<strong>les</strong>, pour montrer ce<br />
que recèle ce droit « posé », pour mettre au jour ce qu’il cache<br />
(compliquons un peu <strong>les</strong> choses : pour le culturaliste, le « droit<br />
posé » n’est autre qu’une position, c’est-à-dire un point de vue<br />
– et ce sont <strong>les</strong> tenants et aboutissants de ce point de vue qu’il<br />
lui faut éclairer). Ce texte de loi, cette décision de jurisprudence,<br />
que révèlent-ils ? De quel<strong>les</strong> caractéristiques culturel<strong>les</strong><br />
sont-ils l’expression ou le relais ? D’après le culturaliste,<br />
chaque texte recèle ainsi des traces culturel<strong>les</strong> qu’il lui faut<br />
dévoiler, mettre au jour, élucider, un peu comme on ouvrirait<br />
une archive, afin de rendre compte de ce texte, afin de le situer<br />
dans son authenticité (d’ailleurs, l’ « archive », étymologiquement<br />
parlant, c’est la maison ou, par extension, le lieu, par<br />
exemple, le lieu qu’habite le texte juridique). Ainsi tel texte<br />
législatif recèle des traces politiques, socia<strong>les</strong>, économiques,<br />
historiques et autres. La politique constitue dès lors une<br />
dimension de la loi. Il en va de même pour le discours social ou<br />
économique qui constituent, eux aussi, une dimension de la<br />
loi. Ce n’est donc pas que ces discours ne participent pas du<br />
droit, qu’ils sont des discours d’ailleurs, des discours qui relèveraient<br />
(pour dire <strong>les</strong> choses ainsi) du non-droit. M’inspirant<br />
d’une célèbre formule de Derrida, qui écrivait qu’il n’y a pas<br />
de hors texte, je dirai qu’il n’y a pas de hors droit. Il faut le<br />
répéter : ce qu’on appelle la loi ou la jurisprudence est constitué,<br />
de part en part, de traces politiques, économiques ou<br />
autres. À travers leurs traces qui se sont dissoutes dans <strong>les</strong><br />
mots du droit et qui y ont ainsi survécu, des discours restent<br />
présents dans le droit, quoique de manière souterraine et donc<br />
invisible (il y a une irréductible restance de la trace ou un tracé<br />
de la trace, il y a du disparu dans le droit). La loi, la jurisprudence,<br />
c’est ainsi cela : une accumulation persistante de traces<br />
hétérogènes qui hantent <strong>les</strong> mots, un peu comme des revenants.<br />
Ces traces ne sont pas à conceptualiser en tant que<br />
couches qui se superposeraient soigneusement l’une à l’autre,<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
V:\55125\55125.vp<br />
mercredi 8 avril 2009 16:24:21<br />
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