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Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand

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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />

Composite Trame par dØfaut<br />

166 Igor Stramignoni<br />

quente, normative et comparante, revient partout à nous le<br />

proposer. « Une chose, une pratique, un discours, n’ont pas<br />

de sens naturel, en soi : leur sens dépend de la force qui s’empare<br />

d’eux, qui <strong>les</strong> assimile, <strong>les</strong> malaxe et <strong>les</strong> oriente selon ses<br />

fins. » 95<br />

Après Nietzsche, il ne s’agit donc plus de responsabilité de<br />

la comparaison. Il ne s’agit plus de ne pas oublier l’Autre en<br />

nous retournant sur nous-mêmes, en comparant « même » et<br />

« autre ». Cette question ne se pose tout simplement plus. Au<br />

contraire, il faudra « [f]ermer temporairement <strong>les</strong> portes et<br />

<strong>les</strong> fenêtres de la conscience » (la conscience étant une mauvaise<br />

conscience, chez Nietzsche) en considérant que « sans<br />

oubli il ne pourrait y avoir ni bonheur, ni sérénité, ni espoir,<br />

ni fierté, ni présent » 96 . Bref, comparer, après Nietzsche, ce<br />

sera, paradoxalement, oublier l’Autre, mais il s’agira alors<br />

d’un oubli affirmatif, souverain, radieux, qui en célèbre toujours<br />

la rencontre sans pourtant le faire sien et en arrive, de<br />

là, à véritablement finir par l’oublier en tant que tel. À l’opposé,<br />

retenir l’Autre dans notre mémoire en tant qu’ « autrenié<br />

» ou « oublié » (comme le voudrait la question du fond de<br />

la comparaison) serait déjà un promettre présupposant avoir<br />

beaucoup appris. Comme l’écrit Nietzsche : « Pour pouvoir à<br />

ce point disposer à l’avance de l’avenir, combien l’homme<br />

a.t.il dû d’abord apprendre à séparer le nécessaire du contingent,<br />

à penser sous le rapport de la causalité, à voir le lointain<br />

comme s’il était présent et à l’anticiper, à voir avec certitude<br />

ce qui est but et ce qui est moyen pour l’atteindre, à calculer<br />

et à prévoir – combien l’homme lui-même a-t-il dû d’abord<br />

devenir prévisible, régulier, nécessaire, y compris dans la représentation<br />

qu’il se fait de lui-même, pour pouvoir finalement,<br />

comme le fait quelqu’un qui promet, répondre de lui-même<br />

comme avenir. » 97<br />

95. Philippe Choulet, « Introduction », dans Friedrich Nietzsche, Généalogie de<br />

la morale, trad. par Éric Blondel et al., Paris, Flammarion, 1996, p. 13 [1887].<br />

96. Nietzsche, Généalogie, op. cit., note 78, II, § 1, p. 60 [<strong>les</strong> italiques sont du<br />

traducteur] (« [ohne Vergesslichkeit könnte] es kein Glück, keine Heiterkeit, keine<br />

Hoffnung, keinen Stolz, keine Gegenwart geben »).<br />

97. Id., pp. 60-61 [<strong>les</strong> italiques sont du traducteur] (« Wie muss der Mensch, um<br />

dermaassen über die Zukunft voraus zu verfügen, erst gelernt haben, das nothwendige vom<br />

zufälligen Geschehen scheiden, causal denken, das Ferne wie gegenwärtig sehn und vorwegnehmen,<br />

was Zweck ist, was Mittel dazu ist, mit Sicherheit ansetzen, überhaupt rechnen,<br />

<strong>Legrand</strong>1.prn<br />

V:\55125\55125.vp<br />

mercredi 8 avril 2009 16:24:16<br />

166

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