Comparer les droits, résolument - Pierre Legrand
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Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique<br />
Composite Trame par dØfaut<br />
Au lieu de soi 25<br />
droit national à l’aune du logocentrisme, du nomocentrisme,<br />
du scientisme et de l’objectivisme, impliquaient ni plus ni<br />
moins qu’une interaction entre divers logocentrismes, nomocentrismes,<br />
scientismes et objectivismes. Les recherches restaient<br />
ainsi aussi « sèches » qu’el<strong>les</strong> avaient pu l’être, sauf<br />
que cette « sécheresse » se faisait davantage englobante. Aux<br />
renvois aux lois, aux codes et à la jurisprudence nationaux,<br />
on ajoutait des références aux lois, aux codes et à la jurisprudence<br />
étrangers. À la stratégie locale de conciliation interprétative<br />
des textes législatifs, des décisions de jurisprudence et<br />
des commentaires afin que le droit ne s’exprime que d’une<br />
seule voix – <strong>les</strong> juges se donnent pour mission de faire parler<br />
la loi de manière cohérente alors que <strong>les</strong> commentateurs se<br />
donnent pour mission de faire parler la jurisprudence de<br />
manière cohérente –, on répondait par une autre obsession de<br />
la synthèse ayant pour objet, comme en écho, la réduction<br />
des <strong>droits</strong> étrangers à une seule voix, uniformisante ou unificatrice.<br />
On pourrait parler d’un faux-pas 16 .<br />
Engoncés dans la logique positiviste, <strong>les</strong> juristes-comparatistes<br />
n’ont pas compris que le tropisme unitaire qui anime le<br />
droit national est tout simplement dépourvu de pertinence<br />
lorsque la dynamique nationale, qui a trait à un droit, fait<br />
place à l’interaction des <strong>droits</strong> sur la scène internationale, celleci<br />
portant, ex hypothesi, sur plus d’un droit. Plus d’un droit,<br />
c’est n’importe quel droit et c’est n’importe combien de <strong>droits</strong>,<br />
sauf un (la comparaison exclut la présence d’un seul droit).<br />
Plus d’un droit – le concert déconcertant de la polyphonie –,<br />
c’est l’ouverture de l’horizon et, dès lors, la trouée sur l’infini.<br />
La logique du « plus d’un », incommensurable à celle de l’un,<br />
requiert de passer d’une prédilection unitaire à une prédisposition<br />
différentielle au nom de ce qu’il y a (il y a plus d’un droit). Il<br />
16. Il y a plus. Dans son étude bien connue sur la littérature-monde, Moretti<br />
énonce qu’ « [il n’y a] pas d’autre justification pour l’étude de la littérature-monde<br />
que de mettre à l’épreuve intellectuelle permanente <strong>les</strong> littératures nationa<strong>les</strong> » :<br />
Franco Moretti, « Conjectures on World Literature », New Left R., 2000/1, p. 68<br />
[« no other justification for the study of world literature (...) but (...) to be (...) a permanent<br />
intellectual challenge to national literatures »]. En d’autres mots, la raison<br />
d’être du comparatisme est de réfuter le nationalisme. Pourtant, en France, des<br />
« comparatistes » entreprennent régulièrement de se livrer à une défense de leur droit<br />
national. Voir par exemple Les <strong>droits</strong> de tradition civiliste en question, sous la dir.<br />
de l’Association Henri-Capitant, Paris, Société de législation comparée, 2006, I,<br />
pp. 79-111.<br />
<strong>Legrand</strong>1.prn<br />
V:\55125\55125.vp<br />
mercredi 8 avril 2009 16:24:06<br />
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