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r - Les Bibliothèques Virtuelles Humanistes

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FORTUNE A LA MEIL­<br />

LEURE PART EN PLU­<br />

SIEURS ARTS.<br />

ES FAILLIES POÉTI­<br />

QUES.<br />

EN LA PEINTURE.<br />

ES ENTREPRIFES MILI­<br />

TAIRES.<br />

76 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,<br />

Or iedyque non en la médecine feulement, mais en plufieurs arts<br />

plus certains, la fortune y a bonne part. <strong>Les</strong> faillies Poe tiques, qui<br />

emportent leur autheur, & le rauiffent hors de foy, pourquoy ne les<br />

attribuërons-nous à fon bon-heur, puis qu'il conf effe luy-mcfme<br />

qu'elles furpaffent fa fuffifance & fes forces, & les recognoift venir<br />

d'ailleurs que de foy, &: ne les auoir aucunement en fa puiffance ? non<br />

plus que les Orateurs ne difent auoir en la leur ces mouuemens & agitations<br />

extraordinaires, qui les pouffent au delà deleur deffein ? Il en<br />

eft de mefme en la peinture, quil efchappe par fois des traits de la<br />

main duPeintre furpaffans la conception&fafcience,qui le tirent<br />

luy-mefme en admiration, & qui l'eftonnent. Mais la fortune monftre<br />

bien encores plus euidemment, la part qu'elle a en tous ces ouurages,par<br />

les grâces & beautez qui s'y treuuent,non feulement fans l'intention,<br />

mais fans la cognoiffance mefme de l'ouurier. Vnfuflifant<br />

Lecteur defcouure fouuent es Efcrits d'autruy des perfections auties<br />

que celles que l'Autheur y a mifes &apperceiies,&y prefte des fens<br />

&desvifages plus riches. Quant aux entreprifes militaires,chacun<br />

void comment la fortune y a bonne part. En nos confeils mefmes &C<br />

en nos délibérations, il faut certes qu'il y ait du fort &:du bon-heur<br />

méfié parmy : car tout ce que noftre fageffepeut, ce n'eft pas grande<br />

chofe: Plus elle eft aiguë &viue, plus elle trouue en foy de foibleffe,<br />

DE fedeffie d'autant plus d'elle-mefme. le fuis de l'aduisde Sylla:'&:<br />

quand ie me prens garde de prés aux plus glorieux exploits de la guerre,<br />

ievoy, ce me femble, que ceux qui les conduifent, n y employent<br />

la délibération & le confeii, que par acquit; DE que la meilleure part<br />

de i'entreprife,ils l'abandonnent à la fortune :& fur la fiance qu'ils<br />

ont à fon fecours, partent à tous les coups au delà des bornes de tout<br />

difcours, Ilfuruientdes allegrelfes fortuites, & des fureurs eftrangeres<br />

parmy leurs deliberations,qui les pouffent le plus fouuent à prendre<br />

le party le moins fondé en apparence, DE qui grofiilfent leur courage<br />

au deffus de LÀ raifon. D'où il eft aduenu à plufieurs grands Capitaines<br />

anciens, pour donner crédit à ces confeils téméraires, d'alléguer<br />

à leurs gens, qu'ils y eftoiét conuiez par quelque infpiration, par<br />

quelque figne &prognoftique. Voila pourquoy en cette incertitude<br />

DE perplexité,quenous apporte l'impuiffance de voir DE choifir ce qui<br />

eft le plus commode,pour les difhcultez que les diuers accidens DE circonftances<br />

de chaque chofe tirent ; le plus feur,quand autre confideration<br />

ne nous y conuieroit,eft à mon auis de fe reietter au party où il<br />

y a plus d'honnefteté &E de milice : DE puis qu'on eft en doute du plus<br />

court chemin, tenir toufiours le droit. Commeeitces deux exemples<br />

que ie vien de propofer, il n'y a point de doute quil ne fuft plus beau<br />

DE plus généreux à celuy qui auoit receu l'orfcnce,de la pardonner,<br />

que s'il euft fait autrement.S'il en cet mefiaduenuau premier,il ne s'en<br />

faut pas prendre à ce lien bon deffein:& ne fçiit-on,quand il euft pris<br />

le party contraire, s'il euft efchapé la fin,à laquelle fondeftin l'ap-

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