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4i£ ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
de peu d'années de poflefïion, prenant vne eflence contraire. Comment
pouuoit ce Dieu ancien plus clairement acculer enl'humainc
cognoiifan ce, l'ignorance de l'eftre diuin, Se apprendre aux hommes
, que leur Religion n'eftoit qu'vnc pièce de leur inuention, propre
à lier leur focieté -, qu'en déclarant, comme il fit, à ceux qui en recherchoient
l'inftrudion de fon trépied : que le vray culte à chacun,
eftoit celuy qu'il trouuoit obferué par l'vfage du lieu où il eftoit. O
Religkni/raye.fe- Dieu, quelle obligation n'auons-nous à la bénignité de noftre foulon
l'oracle d'^fpol- u c rain Créateur, pour auoir defniaifé noftre créance de ces vagabonlon,
quelle. ^ arbitraires deuotions, tk l'auoir logée fur l'éternelle bafe de fa
fainctc Parole? Que nous dira donc encettenecelfitélaPhilofophie?
que nous fuiuions les loix de noftre païs? c'eft à dire cette mer notante
des opinions d'vn peuple, ou d'vn Prince, qui me peindront la
iuftice d'autant de couleurs, & la reformeront en autant de vifages,
qu'il y aura en eux de changemens de paillon. le ne puis pas auoir le
iugement fi flexible. Quelle bonté cft-ce, que ievoyois hier en crédit^
demain ne la fera plus: tk que le trajecl: d'vne riuiere fait crime?
Quelle vérité eft-ce que ces montagnes bornent, menfonge au Monde
qui fe tient au delà? Mais ils font plaifans, quand pour donner
Loix naturelles, quelque certitude aux loix,ils difent 5 qu'il y en a aucunes fermes,perquelles.
petuelles 6V immuables, qu'ils nomment naturelles, qui font empreintes
en l'humain genre par la condition de leur propre effence : &
de celles-là, qui en fait le nombre de trois, qui de quatre, qui plus, qui
moins: ligne, que c'eft vne marque auffi douteufe que le refte. Orils
font fi déf ortunez ( car comment puis-ie nommer cela, finon défortune
, que d'vn nombre de loix fi infiny, il ne s'en rencontre pas au
moins vne que la fortune & témérité du fort ait permis eftre vniuerfellement
receuë par le confentement de toutes les nations?) ils font,
dif-ic, fi miferables, que de ces trois ou quatre loix choifies, il n'en y a
vne feule qui ne foit contredite & defaduoùée, non par vne nation,
mais par plufieurs. Orc' eft la feule enfeignevray-femblable, pariaquelle
ils puiffent argumenter aucunes loix naturelles ; que l'vniucrfité
de l'approbation : car ce que Nature nous auroit véritablement
ordonné , nous l'enfuiurions fans doute d'vn commun confentement
: tk non feulement toute nation, mais tout homme particulier,
reffentiroit la force &c la violence, que luy feroit celuy qui le voudroit
pouffer au contraire de cette loy. QIF ils m'en montrent pour
iuftice des loix j& voir, vne de cette condition. Protagoras &c Arifton ne donnoient
fon effençe. autre effence à la iuftice des loix, que l'authorité & opinion du Legiflatcur
: tk difoient que cela mis à part, le bon tk l'honnefte perdoient
l&urs qualitez, tk demeuroient des noms vains, de chofes indifférentes.
Thrafymachus en Platon eftime, qu'il n'y a point d'autre droit
que la commodité du fuperieur. Il n'eft chofe,en quoy le Monde foit
li diuers qu'en couftumes & loix. Telle chofe eft icy abominable,qui
apporte recommandation ailleurs : comme enLacedemone lafubti-