r - Les Bibliothèques Virtuelles Humanistes

4i4 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
du Ciel, nous apporte quelque mutation, comme dit ce vers Grec en
L'HUMENR DE L'HOMME CicCl'O
EFT TELLE QU'EFT LA FACE tri- 1- ^ ^ V/"
DU IOUR, QUI PARCOURT 7 aies funt hominum menus„ quali pater ip
S ï ï lutfitcr, auétifira luftrauit lampade terras
BEAU. c,c. e x meeno. ç c n c f
onc p a s feulement les Heures, les breuuages, &les grands acci-
ingénient aheré en dens, qui remîerfent noftre iugement : les moindres chofes du Mondiutrfes
façons. de le tourneuirent. Et ne faut pas douter, encores que nous ne le fendons
pas j que il la fleure continue' peut atterrer noftre ame,que la
tierce n'y apporte quelque altération félon fa mefure& proportion.
Si l'apoplexie aiToupit &efteinttoutàfait laveuëde noftre intelligence
i il ne faut pas douter que le morfondement ne l'efblouïlîe. Et
par confequent,àpeine fe peut-il rencontrer vne feule heure en la
vie,ou noftre iugement fe trouue en fadeuë aftiette: noftre corps
eftant fujet a tant de continuelles mutations, ôc eftoffé de tant de
fortes de reiforts, que i'en croy les Médecins, combien il eft mal-aifç
qu'il n'y en ait toufiours quelqu'vnqui tire de trauers. Au demeurant,
cette maladie nc fe defcouure pas fi aifément, fi elle n'eft du
tout extrême tk irrémédiable : dautant que l.a raifon va toufiours torte,
boiteufe, tk deshanchée ; & auec le menfonge cornme auec laverité.
Parainlljileftmal-aifédedefcouurirfon mefcompte,&defre-
Raifon }queceJî. glement. l'appelle toufiours raifon, cette apparence de difeours que
chacun forge en foy : cette raifon, de la condition de laquelle il y en
peut auoir cent contraires autour d'vn mefme fujet: c'eft vninftrument
de plomb, & de cire, alongeable, ployable, tk accommodablc
à tout biais tk à toutes mefures: il ne refte que la fuffifance de le fçauoir
contourner. Quelque bondeffein qu'ait vnluge,s'il ne s'efeoute
luges emporte^' de prés,à quoy peu de gens s'amufent; l'inclination à l'amitié, à la
pajïwn pour la pluf- parenté, à la beauté, tk à la vengeance, tk non pas feulement chofes fi
pan au iugement p 0if a n t e S j m a ] l s c e t inftinét fortuit, qui nous fait fauorifer vne chofe
de caufes. qu'vne autre, tk qui nous donne fans le congé de la raifon,le
choix en deux pareils fujets,ou quelque ombrage de pareille vanité;
peuuent infinuerinfenfiblement en fon iugement, la recommendation
ou defaueur d'vne caufe, &: donner pente à la balance, Moy qui
m'efpie de plus prés, qui ay les yeux inceffamment tendus fur moy,
comme celuy qui n'a pas fort affaire ailleurs ;
MOINS FOUCIÈ QU'HOM- , fofr arfj; 0
MEDUMONDC,DEM'EN- J J
QUÉRIR : QUEL ENNEMY j\exgclidaï metUdtlir Orœ3 REDOUTE FOUS LE PÔLE VU . \
ROY DES RÉGIONS GH-* (Juta lyndatem terreat, njnice
CÉES.OUQUELAUTREÏAIT StCUTUS :
PEUR ATYNDATES.
H
' r
- Ll
- à peine oferoy-ie dire la vanité & la foibleffe que ie trouue chez moy.
I'ay le pied fi inftable & fi mal affis, ie le trouue fi aifé à crouler, tk fi
preft au branle, tk ma veue fi defréglée, qu'à ieun ie me fens autre,
qu'après le repas: fi ma fanté me rid,&la clarté d'vn beau iour, me
voila honnefte homme : fi i'ay vn cor qui me preife l'orteil, me voila
renfroigné, mal-plaifant & inaccefhble. Vn mefme pas de cheual me