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7% ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
euite foip-neufement : celles defquellesie ne fçay fi elles font bonnes
ou mauùaifes, ie ne les fçaurois craindre. SI ie m'en vay mourir ôc
vous laide en vie, les Dieux feuls voyent, à qui de vous ou de moy, il
en ira mieux. Parquoy pour mon regard, vous en ordonnerez comme
il vous plaira. Mais félon ma façon de confeiiler les chofes iuftes
ôc vtiles, ie dis bien que pour voftre confcience, vous ferez mieux de
m'eflargir, fi vous ne voyez plus auant que moy en ma caufe. Et iugeantfélon
mes actionspaffées,&publiques, ôc priuées, félon mes
intentions, ôc félon le profit que tirent tous les iours de maconuerfation,
tant de nos citoyens, ieunes ôc vieux, ôc le fruict que ie vous fay
à tous, vous ne pouuez deuëment vous defcharger enuers mon meri-
Nom-kurcspuMi- te,qu'en ordonnant que ie fois nourry, attendu ma pauureté, au
(jues au prytanée Prytanée,aux defpens publics : ce que fouuent ie vousay veu à main­
TE Athènes, r\ YC raifon,
octroyer à d'autres. Ne prenez pas à obftinationou def-
dain,que,fuiuant la couftume, ie n'aille vous fuppftant &efmouuantàcommiferation.
I'ay des amis ôc des parens,n'eftant, comme
dit Homère, engendré ny de bois, ny de pierre, non plus que lesautres;
capables de fe prefenter,auec des larmes,& iedueil : ÔC fi ay
trois enfans efplorez, dequoy vous tirer à pitié. Mais ie ferois honte
à, noftre ville, en l'aage que ie fuis, ôc en telle réputation de fageffè,
que m'en voicy en preuention, de m'aller defmettre àdefilafches
contenances. Que ditoit-on desautres Athéniens? I'ay toufioursadmonefté
ceux qui m'ont ouy parler, de ne racheter leur vie par vne
action deshonnefte. Et aux guerres de mon pais à Amphipolis,à Potidée,
à Délie, & autres où ie me fuis trouue, i'ay monftré pareffe^t,
combien i'eftois loin de garentir ma feureté par ma honte. Dauantage,i'intereiferoisvoftredeuoir,
&vous contiierois à chofes laides;
car ce n'eft pas à mes prières de vous perfuader, c'eft aux raifons pures
ôc folides de la iuftice. Vous auez iuré aux Dieux d'ainfi vous maintenir.
Il fembleroit,que ie vous vouluffe foupçonner&recriminerjde
ne croire pas qu'il y en aye. Et moy-mefme tefmoignerois contre
moy, de ne croire point en eux, comme ie dois : me défiant de leur
conduite, ôc ne remettant purement en leurs mains mon affaire. le
m'y fiedutout, ôc tiens pour certain, qu'ils feront en cecy, félon
qu'il fera plus propre à vous & à moy. Les gens de bien ny viuans ny
morts, n'ont aucunement à fe craindre des Dieux. Voila pas vn plaidoyé
puérile, d'vne hauteur inimaginable, ôc employé en quelle neceftité?
Vrayement ce fut raifon, qu'il le preferaft à celuy, que ce
grand Orateur Lyfias auoit mis par efcrit pour luy : excellemment
façonné au fty le iudiciaire:mais indigne d'vn fi noble criminel. Eufton
ouy de la bouche de Socrates, vne voix fuppliante? cette fuperbe
vertu euft-ellecalé }au plus fort de fa monftre? Et fa riche & puiffante
nature,euft-elle commis à l'art fa defenfe:& en fon plus haut eflay,renoncé
à la vérité ôc naïueté,ornemens de fon parlenpour fe parer
du fard, des figures, ôc feintes, d'vne oraifon apprinie ? Il fit très-