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141 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
peuft abandonner fa beauté, infenfiblement, comme le corps d'vne
putain buiflbnniere, aux muletiers &z nombre d'abjects fcruitcurs
de fa maifon. Et ce que m'apprint vne Dame que l'honore & prife
fort ; que près de Bordeaux, vers Caftres, où eft fa maifon, vne femme
de village, vefue, de chafte réputation, fentant des premiers om-
Twongnerkpeudé- Drao-esde groffeffe, difoit à fes voifines, qu'elle penferoit eftre enméedes
anciens. f l eip a u oi t v n mary : Mais du iourà laiournée, croiffant l'occailon
de ce foupçon, & enfin iufques à l'euidence, cil* en vint là ; de
faire déclarer au profne de fonEglife, que qui feroit confent dece
fait, en l'aduouant,elle promettoit de le luy pardonner^ s'il le trouuoit
bon, de l'efpoufcr. Vn fien ieune valet de labourage, enhardy de
cette proclamation, déclaral'auoir trouuée vn iour de fefte, ayant
bien largement pris fon vin, endormie en fon foyer fi profondement
& n indécemment, qu'il s'en peut feruir fans l'efueiîler. Usvi-
Femmejureengrof- uent encore mariez enfemble. Il eft certain que l'antiquité n'a pas
fée fans le ff avoir. fort deferié c e vice : les Efcrits mefmes de plufieurs Philofophes en
parientbien mollement :& iufques aux Stoïciens, il yen a qui con-
, feillentde fe difpenfer quelquefois à boire d'autant, &de s'enyurer
Socutesmeûne On dit que
3gaigna le grand . ~ . i>
pour relaiclier 1 ame.
iadis la palme des ver- T T _ • , M j ^
tus en ce combat, com. Hoc quoque mirtutum quonaam certaminc magnum
zle
s-'- Socratempalmam promemiffe ferunt.
Catongrandie»- Ce cenfeur& correcteur des autres Catons, a efté reproché de bien
umr
- boire.
cSon^âSS" Narratur & fnfei Catoms
nentesfois & venu par Sape mero caluiffe virtits.
l'ailtancedu vin. tier. 1 /il r 1 r
i. s. Cyrus Roy tant renomme, allègue entre les autres louanges, pour fe
préférer à fon frère Artaxerxes, qu'il fçauoit beaucoup mieux boire
Boired autanten i £ t £ s N a ti o n s les mieux réglées, & policées, cet elfay de boi-
Ifjav-e es Nattons
1 J
CL • C r T> li w
t,,H,J;,^C red autant, eitoit tort en vlage.I ay ouy direaSiluius excellent Medecin
de Paris, que pour garder que les forces de noftre eftomachne
s'appareffentjileftbonvnefoislemois de les efueillerpar cétexcéz,
ôc les picquer pour les garder de s'engourdir. Et eferit-on que les
Perfes après le vin,confultoient de leurs principaux affaires. Mon
gouft ôc ma complexion eft plus ennemie de ce vice, que mon dif-
.
cours:Car outre ce,que ie captiue aifément mes créances fous l'autho-
&z . rite des opinions anciennes, ie le trouue bien vn vice lafche & ftupi-
c m a i s m o i l l s
' malicieux d
momTSumux^^ d
dommageable que quent quafi tous de plus droit fil la focieté publique. Et fi nous ne
les autres. nous pouuons donner du plaifir, qu'il ne nous coufife quelque chofe,
comme ils tiennentue trouue que ce vice coufte moins à noftre confeience
que les autres : outre ce qu'il n'eft point de difficile appreft,ny
mal-aifé a trouuer : confideration non mefprifable. Vn home auancé
en dignité & en aage, entre trois principales commoditez, qu'il me
difoit luy relier en la vie, comptoit cette-cy : & où les veut-on trouuer
plus iuftement qu'entre les naturelles? Mais il la prenoit mal.