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z?4 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
îWe. apparioient Plaute à Terence (cetuy-cy fentbien mieux fon Gen -
' til-homme) que Lucrèce à Virgile. Pour l'eftimation & préférence
de Terence, fait beaucoup, que le pere de l'éloquence Romaine l'a 11
fouuent en la bouche, feul defon rang : tk la fentence, que le premier
iuge des Poètes Romains donne de fon compagnon .Il m'eft fouuent
tombé en fantaiiie, comme en noftre temps, ceux qui fe méfient de
'comédies de cettxde f arre ^ c s Comédies (ainfi que les Italics,qui y font allez heureux) emnojlre
temps. ployent trois ou quatre argumens de celles de Terence ou de Plaute,
pour en faire vne des leurs. Ils entaffent en vne feule Comédie, cinq
ou iix contes de Boccace. Ce qui les fait ainlife charger de matière,
c'eft la défiance qu'ils ont de fe pouuoir fouftenir de leurs propres
grâces. Il faut qu'ils trouuent vn corps où s'appuyer : &n'ayanspas
du leur alTez dequoy nous arrefter , ils veulent que le conte nous
amufe. Il en va de mon Autheur tout au contraire : les perfections tk
beau tez de fa façon de dire, nous font perdre l'appétit de fon fujet. Sa
gentillelTe & famignardifenous retiennent par tout. Il eft par tout fi
plaifant,
Coulant& Dureront- T • • 1 ^ ' C 'IV -. •
me vne eau fine. H trM. Liquidas
i. m. Efifi. n
Portes bons & an- c
puroque Jimillimus amni.
o u s remplit tant l'ame de fes grâces, que nous en oublions celles
de fa fable. Cette mefme confideration me tire plus auant. le voy
u e
î ^ es
bons&: anciens Poètes ont éuité l'affectation & la recherche,
àens 3 quels enleurs non feulement desfantaftiqueséleuations Efpagnoles tk Pctrarchiejerits.
ftes, mais des poinctes mefmes plus dou ces & plus retenues, qui font
l'ornement de tous les ouurages Poétiques des fiecles fuyuans. Si n'y
a-il bon iuge qui les trouue à dire en ces anciens,& qui n'admire plus
fanscomparaifon, l'égale pohffure & cette perpétuelle douceur tk
EpigrammesdeCa- beautéfloriffantedes Epigrammes de Catulle, que tous les aiguiltde
& de Marnai. j o n s dequoy Martial aiguife la queue des liens. C'eft cette mefme
son efprît eut moins raifon que ie difoy tantoft, comme Martial de foy , minus illi inzenio
atrauailler.de «que la j F • • • 1 T. ' C iT • P f
maueresmgeroitpoui laborandumtuit ^ncmuslocum matena ucce erat. Ces premiers-la ians
tenir lieu dinueurion. , r. • « r r r C rr r Y l
Man. hpigr.i. s. s eimouuoir tk lans le picquer le ront allez ientir : ils ont de
re par tout, il ne faut pas qu'ils fe chatouillent :ceux-cy ont befoin
defecourseftrangerramefure qu'ilsont moins d'efprit, il leur faut
plus de corps : ils montent à cheual, parce qu'ils ne font pas affez forts
Similitude. fur leurs ïambes. Tout ainfi qu'en nos bals, ces hommes de vile condition,
qui en tiennent efcole,pour ne pouuoir reprefenter le port &
ladecencedenoftreNobleffe, cherchent à fe recommander par des
fauts périlleux, tk autres mouuemens eftranges tk baftelerefques. Et
les Dames ont meilleur marché de leur contenance, aux danfes où il y
> adiuerfesdécoupeures tk agitation de corps, qu'en certaines autres
danfes de parade, où elles n'ont fim plement qu'à marcher vn pas naturel
, ôc reprefenter vn port naïf & leur grâce ordinaire. Et comme
Bai nsexceUcn>,& i' ay v e u auf{| [ es badins excellens, veftus en leur à tous les iours, tk en
[eur amenante. y n e c o n t e n a n c e commune, nous donner tout leplaifir qui fe peut
rer de leur art : les apprentifs, qui ne font de fihaute leçon, auoir be-