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2.68 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
qui me frappoit l'ame de fecoufle, Ôc que ie reuenoy de l'autre mon- A
de. Ceconted' vneuenement fi léger, eft affez vain, n'eftoit l'inftructionque
i'enay tirée pour moy : car à la vérité pour s'appriuoifer à
la mort ,ie trouue qu'il n'y a que de s'en auoiiiner. Or, comme dit
L'homme ejl~vne Pline, chacun eft à foy-mefme vne tres-bonne difcipline,pourueu
bonne difciplme à qu'il ait la fuffifance de s'efpier de prés. Ce n'eft pas icy ma doctrine,
foy-mefme. c
Ventante i>kieufe. f alc
J
eft mon eftude : ôc n'eft pas la leçon d'autruy, c'eft la mienne. Et ne
me doit-on pourtant fçauoir mauuais gré, fiiela communique. Ce
qui me fert, peut aufti par accident feruir à vn autre. Au demeurant,
ie ne gafte rien, ie n vfe que du mien. Et fi ie fay le fol, c'eft âmes defpens,&
fans l'intercftde perfonne: Car c'eft en folie qui meurt en
moy, qui n'a point de fuite. Nous n'auons nouuelles que de deux ou
trois anciens, qui ayent battu ce chemin : Et il ne pouuons dire, ii
c'eft du tout en pareille manière à cette-cy, n'en cognoiffantqueles
noms. Nul depuis ne s'eft ietté fur leur trace: C'eft vne efpineufeentreprinfe,
ôc plus qu'il ne femble, de fuiure vne alleure li vagabonde,
que celle de noftre efprit: de pénétrer les profondeurs'opaques de
fes replis internes : de choifir ôc arrefter tant de menus airs de fes agitations
: Et eft vn amufement nouueau ôc extraordinaire, qui nous
retire des occupations communes du monde : oiiy, & des plus recommandées.
Il y a plufieurs années que ie n'ay que moy pour vifée à
mes penfées, que ie ne contrctolle ôc n'eftudie que moy. Et fi i'eftudie
autre chofe, c'eft pour foudain la coucher fur moy, ou en moy,
pour mieux dire. Et ne me femble point faillir, fi, comme ilfe fait
des autres fciences,fanscomparaifon moins vtiles,ie fay part de ce
que i'ay apprins en cette-cy : quoy que ie ne me contente guère du
progrez que i'y ay fait. Il n'eft defeription pareille en difficulté, à la
defeription de foy-mefme, ny certes en vtilité. Encore fe faut-il teftonner,
encore fe faut-il ordonner ôc renger pour forrir en place.
Or ie me pare fans ceffe : car ie me deferis fans ceffe. La couftume a
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parler de foy, vicieux ; Et le prohibe obftinément enhaine de
la venteric, qui femble toufiours eftre attachée aux propres tefmoi-
gnages. Au lieu qu'on doit moucher l'enfant; cela s'appelle l'enafer.
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vicium ducit culpai fuga.
Art. l'ott. le trouue plus de mal que de bien à ce remède. Mais quand il feroit
Parler de foy, n'eft
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^ neceffairement, prefomption, d'entretenir le peu-
par toutcondemna- pie de foy : ie ne doy pas fuiuant mon gênerai deffein,refufer vne
ble 3 ny en tous, & action qui publie cette maladiuc qualité, puis qu'elle eft en moy, ôc
pourquoy nedoy cacher cette faute,que i'ay non feulement cnvfagc, mais en
profeflion. Toutefois à dire ce que i'en croy, cette couftumea tort de
condamner le vin, parce que plufieurs s'y enyurent. On ne peut abu-
1 er que des chofes qui font bonnes. Et croy de cette règle, qu'elle ne
regarde que la populaire défaillance : Ce font brides à veaux, defquelles
ny les Saincts, que nous oyons fi hautement parler d'eux, ny les
Philofophes,ny les Théologien^ ne fe brident. Nefay-ie moy, quoy