r - Les Bibliothèques Virtuelles Humanistes

LIVRE PREMIER. 4 3
quents & fi ordinaires nous paflans deuant les yeux, comme eft-il
pofhble qu'on fe puifTc deifaire du pcnfemenc de la mort , & qu'à
chaque inftant il ne nous femble qu'elle nous tienne au collet?Qu'IMpor
te-il, me direz-vous, comment que ce foit, pourueu qu'on ne s'en
donne point de peine ? le fuis de cet aduis : & en quelque manière,
qu'on fe puiffe mettre à l'abry des coups, fuft-ce fous la peau d'vn
veau, ic ne fuis pas homme qui y reculait : car il me fufiit de paifer à
mon aife, &le meilleur ieu que ie me puilfe donner, ie le prens, fi peu
glorieux au refte & exemplaire que vous voudrez.
PRATULERIM DELIRTU INCRFQUE NJÏDERI, R A V M E MIM* qu'on
Dum mea détectent mala me, W denique/allant, FO^PÔUIUFA
Quam fapere & ringi. i . ,
Mais ceft rolie d'y penlerarriuer par la. Us vont,ils viennent .ils trot- m
«fc0gnoifle, que de
ue mes défauts m'é-
^-—^ I I r • k . 1 gayent, ou que ie les
•1 i R i 11 11 - i - t ^ i t rechigner, eftant fage
tent, ils dament, de mort nulles nouueiles. Tout cela eft beau : mais & ««ORT. R „ .
au Ifi quand elle arriuc, ou à eux, ou à leurs femmes, enfans & amis, les
furprenant cndefloude&audefcouuert, quels tourmens,quels cris,
quelle rage & quel delefpoir les accable? Viftcs-vous iamais rien fi
rabaiffé,fi changé, fi confus? Il y faut prouuoirde meilleure heure:
Et cette nonchalence beftiale, quand ellepourroit loger enli tefte
d'vn homme d'entendement, ce que ie trouue entièrement impofïible,nous
vend trop cher fes denrées. Si c'eftoit vn ennemy qui fe
pûft euiter,ie confeillerois d'emprunter les armes de la coiiardife:
mais puisqu'il ne fe peut, puis qu'il vous attrappe fuyant & poltron
au/fi bien qu'honneftehomme,
Nempc -'(k fugacem perfequïtur virum, Car elle fuit auffi bien
»r • • / ; ; • • le fuyard : n'efpar-
J\ec parcit imbeUts muenu N
A N T
;
P O I N T I E S E IJ A U.
Poplmbus, ûmiàoquc tergo. t^t^^
& que nulle trampe de cuiraife ne vous couure, INMEFFE. NOR.I T.
llie licet ferro cautus fe condat & œre, Encore qu'il FE CACHE
_ , J
. j r i . aduife dans le fer 8C
Mors tamen inclujtim protrabet inde caput. j 'AIRAIN,LAMORT NÉANT-
apprenons à le fouftenir de pied-ferme, & à le combattre : Et pour ef DE « S-t^OTR
commencer à luy ofter fon plus crand aduantage contre nous, ^ ien 11 y ok ren
i"' f "
J
- N i /-\n 1 I ferme. PROP L.J.
prenons voye toute contraire a la commune. Oitons-luy l'eftrangeté,
pratiquons-le,accouftumons-le,n'ayons rien fi fouuent en
la tefte que la mort; à tous inftans reprefentons-la à noftre imagina- Mémoire & foutte-
tion & entousvifages. Au broncher d'vn cheual, à la cheute d'vne nan
c
i \ de la mert
t
• IL \ t I • I» R I RI R 1 VTILE * \ H O M M T .
tuille,a la moindre piqueuredeipeingIe,remaicnons ioudain, Et
bien quand ce feroit la mort mefme ? & là deffus, roidiffons-nous, &
nous efforçons. Parmy les feftes & la ioy e, ayons toufiours ce refrein
delà fouuenancede noftre condition, & ne nous laiffons pas fi fort
emporter auplaifir, que par fois il ne nous repaffe en la mémoire, en
combien de fortes cet te noftre allegreffc eft en butte à la mort, & de
combien de prinfes elle la menace. Ainfi faifoient les Egyptiens, qui
au milieu de leurs f eftins & parmy leur meilleure chère, faifoient apporter
l'Anatomie feiche d'vn homme, pour feruir d'auertiffement
aux conuiez. D iiij
>