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334 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
la tefte regarda cl Ôc là d'vne façon qui eftonnoit tous les alfiftans.
Bœufs des iardins Des boeufs feruoient aux Iardins royaux de Sufe, pour les arroufer,
royaux deSufe, & tourner certaines grandes roues à puifer de l'eau, aufquellcs il y
auoit des baquets attachez (comme il s'en void plufieurs en Languedoc)
on leur auoit ordonné d'en tirer par iour iufques à cent tours
chacun; dont ils eftoient fi accouftumez à ce nombre,qu'il eftoit
impoflible par aucune force de leur en faire tirer vn tourdauantage,
& ayans fait leur tafche ils s'arreftoient tout court. Nousfommesen
i'adolefcence auant que nous fçachions compter iufques à cent,&
venons de defcouurir des Nations qui n'ont aucune cognoiifance
des nombres. Il y a encore plus de difeours à inftruire autruy, qu'à
eftre inftruit. Or lailfant à part ce que Democritus iugeoit & prou-
^rts appris a l'ho- uoit, que la pluf-part des arts, les belles nous les ont appris : Comme
me par les beftes. l'araignée à tiftre ôc à coudre, l'arondelle à baftir, le cigne Ôc le rofii-
Mufque des rofiir gnol la mufique, ôc plufieurs animaux par leur imitation à faire la
gnols, & le fom médecine: Ariftote tient que les roifignols inftruifent leurs petits
• qu'ils mtd'mflruire x c r m n t e r & y c m pl o y e r v t du temps & du foin : d'où il aduient que
leurs petits 4 chan-
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ceux que nous nournilons en cage, qui n ont point eu loiiird aller a
l'efcoîe fous leurs parens, perdent beaucoup de la grâce de leur chant.
Nous pouuons iuger par là, qu'il reçoit de l'amendement par difeiplinc&par
eftude: Et entre les libres mefme, il n'eft pas vn& pareil:
chacun en a pris félon fa capacité. Et furlaialoufiede leur apprenti
flage , ils fe débattent à l'enuy, d'vne contention fi courageufe, que
par rois le vaincu y demeure mort, l'aleine luy faillant pluftoft que
lavoix. Les plus ieunes ruminent penfifs,&prennent à imiter certains
couplets de chanfon: le difciple efcoutelaleçondefonprecepteur,
ôc en rend compte auec grand foin : ils fe taifent l'vn tantoft,
tantoft l'autre, on oyt corriger les fautes, &fent-on aucunes repre-
EÎephant formant henfions du précepteur. I'ay veu {dit Arrius) autreToisvn éléphant
des cymbales. ay a n c à chacune cuilfc vn cymbale pendu, & vn autre attaché à fa
trompe, au fon defquels tous les autres danfoient en rond, s'efleuans
ôc s'inclinans à certaines cadences, félon que l'inllrument les guidoit,
ôc y auoit plaifir à ouïr cette harmonie. Aux fpeëtacles de
Elephans dreffe^ Rome,il fe voyoit ordinairementdes elephansdreifezà femouuoir
a dan fer au fon de & darder au fonde la voix, des danfes à plufieurs entrelaifeures,cou-
a
" Vo;x
' peurcs & diuerfes cadences tres-difficiles à apprendre. Il s'en eft veu,
qui en leur priué rememoroient leur leçon, & s'exerçoient par foin
&par eftude, pour n'eltre tancez & battus de leurs maiftres. Mais
cett'autre hiftoire de la Pie, de laquelle nous auons Plutarque mefme
pour refpondant, eft eftrangc: Elle eftoit en la boutique d'vn
Pie d'-\n Barbier k Barbier à Rome, 3c faifoit merueillesde contrefaire auec la voix tout
Rome, imitant le c c qu'elle oyoit: Vn iour il aduint que certaines trompettes s'arrefondes
trompettes. fterent £ fonner long-temps deuant cette boutique: depuis cela, &
tout le lendemain, voila cette Pie penfiue, muette ôc mélancolique;
dequoy tout le monde eftoit efmcrueillé, ôc penfoit-on que le ion