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i5>8 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE
ucur, que non feulement il lachafla foudain, mais en amenda tout le
reftedefavie:&qu'enconfiderationde ce miracle, il fut bafty en la
place, où eftoit la maifon de ce ieune homme, vneChapelle aunom
de noftre Dame, 5c depuis, l'Eglife que nous y voyons. Cette correction
voy elle 5c auriculaire, deuotieufe, tira droicT: à lame : cette autre
fuiuante, de mefme genre, s'infinua par les fens corporels. Pythagoras
eftant en compagnie de ieunes hommes, lefquels il fentit complotter,efchauffez
delà feftcj d'aller violer vne maiion pudique,co mmândaàlameneftricre,
de changer de ton: &parvnemufiquepoifantejfeuere&fpondaïque,
enchanta tout doucement leur ardeur,
& l'endormit. Item, ne dira pas lapofterité, que noftre reformation
d'auiourd'huy ait efté délicate 5c exacte , de n auoir pas feulement
combattu les erreurs, 5c les vices, 5c remply le monde de deuotion,
d'humilité, d'obeïflancc, de paix, 5c de touteefpece de vertu ; mais
d'auoir paifé iufques à combattre ces anciens noms de nos baptefmes,
Charles,Loys,François, pour peupler le monde de Mathufalem,
Ezechiel, Malachie, beaucoup mieux fentans de lâ foy ? Vn gentilhomme
mienvoifin, eftimant lescommoditez du vieux temps au
prix du noftre, n'oublioitpas de mettre en compte, la fierté 5c ma-
Noms tnagn.pqucs g ni£ c e n c c fe s n o m s de laNobleife de ce temps-là, Dom Grumedan.
f tancienne. Quolragan,Ageiuan,&qu alesouïrleulement ionner, ulelentoit
qu'ils auoient efté bien autres gens que Pierre, Guillot 5c Michel.
Item, ie fçay bon gré à Iacques Amiot, d'auoir laifle dans le cours
d'vne oraifon Françoife les noms Latins tous entiers, fans lesbigarrer&
changer, pour leur donner vne cadence Françoife. Cclafembloit
vn peu rude au commencement : mais def-ja l'vfage par le crédit
de fon Plutarque, nous en a ofté toute l'eftrangeté. I'ay louhaitté
Noms di terres &> iouuent, que ceux qui efcriuent les Hiftoires en Latin, nous laiffafde/eigr.euries
plems f cntnc)S n 0ms tous tels qu'ils font: car en faifant de Vaudemont,
e ojfujio . Vallemontanus }Sc les metamorphofant, pou ries garber à la Grecque
ouàlaRomaine,nousnefçauonsoùnous enlommes, ÔVen perdôsla
cognoiflance. Pour clorre noftre compte; c'eft vn vilain vfage & de
tres-mauuaifeconfequcnce en noftre France, d'appeller chacun par
le nom de fa terre 5c Seigneurie, 5c la chofe du monde, qui fait plus ,
méfier&mefcognoiftre les races. Vn cadet de bonne maifon, ayant (
eu pour fon appanage vne terre, fous le nom de laquelle il a eftéco- |
gnu 5c honoré, ne peut honncftemcnt l'abandonner : dix ans après ,
la mort,la terre s'en va à vn eftranger, qui en fait de mefmes : deuinez ,
où nous fommes, de la cognoiflance de ces hommes. Il nefaut pas aller
quérir d'autres exemples, que de noftre maifon Royale, où autant ,
de partages, autant de furnoms : cependant l'original de la tige nous A
eft efchappé. Il y a tant de liberté en ces mutations, que de mon
temps ie n'ay veu perfonne efleué par la fortune à quelque Grandeur •
extraordinaire, à qui on n'ait attaché incontinent des tiltres généalogiques,
nouueaux 5c ignorez à fon pere, & qu'on n'ait anté en quel-