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?4 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
SIMILITUDE, opération, s'il n'a fait changer la façon & la forme, à ce qu'on luy
auoit donné à cuire. Noftre ame ne branle qu'à credit>, liée & contrainte
à l'appétit des fantafies d'autruy, férue Se captiuée fous l'authorité
de leur leçon. On nous a tant aiiujettis aux cordes, que nous
n'auons plus de franches allures : noftre vigueur & liberté eft eftein-
IIS NE FORCENT IAMAI» te. Nunquam tutcU fua jiunt. le vy priuément à Pife vn honnefte
£ ÏÏÏFDIIS.MÏÏî! homme, mais fi Ariftotelicien, que le plus gênerai de fes dogmes
*p'fi-n- eft : Que la touche Se règle de toutes imaginations folides, & de
« ET J. A •n toute vérité, c'eft la conformité à la doctrine d'Ariftote : que hors
Doctrine d ^frijto- > . . , T
te trop étroitement de la, ce ne iont que chimères Se inanité : qu il a tout veu Se tout
tmbrafiée, dit. Cette lienne propofition, pour auoir efté vn peu trop largement
Se iniquement interprétée , le mit autrefois, Se tint longtemps
en grand accclfoire a l'inquiiition à Rome. QIF il luy face
tout paifer par l'eftamine,& ne loge rien en fa tefte par limplc authorité,
& à crédit. Les principes d'Ariftote ne luy foient princi-»
pes, non plus que ceux des Stoïciens ou Epicuriens rQffonluy propofe
cette diuerlité de iugemens,il choifiras'il peut: linon il en demeurera
en doute.
Cbe non men chepiper dubiar m'aggrada.
Car s'il embraife les opinions de Xenophon Se de Platon, par fon
propre difcours, ce ne feront plus les leurs, ce ferontles fiennes. C^û
fuit vn autre,il ne fuit rien: Il ne trouue rien: voire il ne cherche
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' Nonfumusfubrege ifibiquij r
quefe'vindicct. Qifilfçachc, qu'il fçait,
F O J R - M C F M C : N O U S N E au moins, il faut quilimboiue leurs humeurs, non qu'il apprenne
Y I U O S P A S FOUS Y N R O Y . , T - » - 1 T 1 - 1 V > - 1 J ' •
sentc.ïpiji.ji. leurs préceptes : Et qu il oublie hardiment s il veut, d ou il les tient,
mais qu'il fe les fçache approprier. La vérité Se la raifon font communes
à chacun, & ne font non plus à qui les a dites premièrement,
qu'à qui les dit après. Ce n'eft non plus félon Platon, que felonmoy:
puis que luy Se moy l'entendons envoyons de mefme. Les abeilles
SIMILITUDE. pillotent deçà delà les fleurs, mais elles en font après le miel, qui eft
tout leur-, ce n'eft plus thin,ny marjolaine: Ainli les pièces empruntées
d'autruy, il les transformera Se confondra, pour en faire vn ouurage
tout lien, à fçauoir fon iugement : fon inftitution, fon trauail
Se eftude ne vifera qu'à le former. QIF il cele tout ce dequoy il a efté
fecouru, Se ne produife que ce qu'il en a fait. Les pilleurs jles emprunteurs,
mettent en parade leurs baftimens,leurs achapts, non pas
cequils tirent d'autruy. Vous nevoyez pas les efpices d'vn homme
de Parlement : vous voyez les alliances qu'il a gaignées, Se honneurs
à fes enfans. Nulnen}etencompte public farecepte: chacuny met
Cdîn de l'eflude, fon acqueft. Le gain de noftre eftude, c'eft en eftre deuenu meil-
T^L leur Se pins fage. C'eft (difoit Epicharmus) l'entendement qui voit
Entendement do* & qui oit: c'eft l'entendement qui approfite tout, qui difpole tout,
mine & ngne fur qui agit, qui domine Se qui règne: toutes autres chofes lontaucu-
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' gl-s, lourdes, & fans ame. Certes nous le rendons feruile & couard,
pour ne luy laiffer la liberté de rien faire de foy. Qui demanda ia~