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ca ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
Cochesje
comme iene puis fouffrir fous moy vn liège tremblant. Quand la
voile, ou le cours de l'eau, nous emporte efgalement, ou qu'on nous
touë, cette agitation vnie,ne me bleffeaucunement. C'eft vn remuement
interrompu, qui m*offence : Ôc plus, quand il eft languiffant. le
ne fçaurois autrement peindre fa forme. Les Médecins m'ont ordonné
dc me preffer ôc fangicr d'vne fcruiettelebasdu ventre, pour remédier
à cet accident: ce que ie n'ay point elfayé, ayant accouftumé
dclucter les défauts qui font en moy, & les dompter par moy-mefme.
Si i'en auoy la mémoire fuffifamment informée, ie ne plaindroy
quel y fa- pas mon temps à dire icy l'infinie variété, queles Hiftoires nous prege
au feruice de U iententde l'vfage des coches, au feruice de la guerre : diuers félonies
guerre. nations, félon les ficelés : de grand effet, ce me femble ,& neceffité:
de forte que c'eft merueille, que nous en ayons perdu toute cognoiffance.
l'en diray feulement cecy, que tout frefehement, du temps de
Coches employé^, nos pères, les Hongres les mirent tres-vtilement en befongne contre
parles Hongres con- lesTurcs : en chacun y ayant vn rondellicr& vn moufquetaire, &
m lesTurcs. nombre de harquebuzes rengées, preftes ôc chargées : le tout couuert
d'vne pauefade, à la mode d'vne galliotte. Ils fàifoient front à leur bataille
de trois mille tels coches: & après que le canon auoit ioiié,les
fàifoient tirer, &aualleraux ennemis cette faluë, auant que de tafter
le refte: qui n'eftoit pasvn léger auancement: oudcfcochoientlefdits
coches dans leurs efeadrons, pour les rompre ôc y faire iour : Outre
le fecours qu'ils en pouuoient prendre, pour flanquer enlieu chatouilleux,
les troupes marchans en la campagne: oui couurir vn logis
à la hafte,& le fortifier. De mon temps, vn Gentil-homme, en
f vne de nos frontières, impoft de fa perfonne, ôc ne trouuant cheual
capable defon poids,chargé d'vne querelle, marchoit par païs en
coche, de mefme cette peinture, ôc s'en trouuoit tres-bien. Mais laiffons
ces coches guerriers. Comme fi leur neantife n'eftoit affez conchariots
à quatre nuë à meilleures enfeignes : les derniers Roy s de noftre première rabceufs
de nos pre- C C } marchoient par païs en vn chariot mené de quatre bœufs. Marcmiers
Rou. Antoine fut le premier qui fe fit traifner à Rome, 6c vne garfe menc-
Coches des Empe- ftriere quand ôc luy, par des lions attelez à vn coche. Hehogabalus en
reursdiutrjementti fit depuis autant, fe difantCybelé la mere des Dieux: ôc auffi par des
re
Kf tigres, contrefaifant le Dieu Bacchus : il attela auffi par fois deux
cerfs à fon coche: & vne autre fois quatre chiens: Ôc encore quatre
garfes nues, fe faifant traifner par elles,cn pompe, tout nud. L'Empereur
Firmus fit mener fon coche, à des Auftruches de merueilleufe
grandeur, de manière qu'il fembloit plus voler que rouler. L'eftrangeté
de ces inuentions,me met en telle cette autre fantafîe : Que c'eft
T>efpenfe excefîue
v n e
cfpece de pufillanimité, aux Monarques vn tefmoignage de
des Monarques, tej ne fentirpoint affez ce qu'ils font, de trauailler à fe faire valoir&pamoigneleurpvfilla-
roiftre,par defpenfes exceffiues. Ce feroit chofe excufableen païs
m m t e
' eftranger:mais parmi fes fubj cts,où il peut tout,il tire de fa dignité,le
\ plus extrême degré d'honneur où il puiffe arriuer.Côrne à VnGentil-