r - Les Bibliothèques Virtuelles Humanistes

3*4 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
de l'humaine nature. Ils ont réglé le Monde de polices 6c de loix. Ils jJ
l'ont inftruit par arts & fciences, 6c inftruit encore par l'exemple de
leurs mœurs admirables. le ne mettrayen compte, que ces gens-là, j
leur tefmoignage, 6c leur expérience. Voyons iufques où ils font ^
allez, 6c à quoy ils fe font tenus. Les maladies 6c les défauts que nous
trouuerons en ce college-là, le Monde les pourra hardiment bien
aduoùer pour lien. Quiconque cherche quelque chofe, il envient
à ce poindt, ou qu'il dit, qu'il l'a trouuée, ou qu'elle ne fe peut trou- \
\
philofophie départie uer, ou qu'ilien eft encore en quelle. Toute la Philofophie eft depar- i
en mu*genres. tie en ces trois genres. Son delfein eft de chercher la veritp,la feience, *
Recherche de la^e* ^ l a
certitude. Les Peripateticiens, Epicuriens, Stoïciens ,&autres,
rite j difficile. ont penfé l'auoir trouuée. Ceux-cy onteftabfy les Sciences que nous "
auons, & les ont traitées, comme notices certaines. Clitomachus, ^
Carncades, 6c les Académiciens, ont defefperé de leur quelle, 6c iugé 3
!
que la vérité ne fe pouuoit conceuoir par nos moyens. La fin de
ceux-cy, c'eft la foibleflècV:humaine ignorance. Ce party a eu la plus 1
grande fuite, 6c les fectateurs les plus nobles. Pyrrho& autres Sce- 1
ptiquesouEpechifteSjlesdogmesdequi plufieurs anciens ont tenu ''
eftre tirez d'Homère, des fept Sages, d'Archilochus, 6c d'Eurypides, r
6c y attachent Zeno, Democritus, Xenophanes, difent ; Qyf ils font
encore en cherche de la vérité : Ceux-cy iugent, que ceux-là qui pen- {
fent l'auoir trouuée,fe trompent infiniement,&qu'ilyaéncorede '
la vanité trop hardie en ce fécond degré, qui affeure que les forces hu- '
niâmes ne font pas capables d'y atteindre. Car cela, d'eftablirlame- ^
fure de noftre puiffance, de cognoiftre 6c iuger la difficulté des cho- ^
fes, c'eft vne grande 6c extrême feience, de laquelle ils doutent que «f
l'homme foit capable. w
cduy qui croid ne farf quïfquis putat. id quoque ne frit.
lien fçauoir, ne faut r- • rr r 1 r J
pas cela mefme : s'il
peut fc.auo.r comme il
j£ n lcm polllt3 qUO le Kll Cire fatetHT.
J PC- T • o • r J • * » n
nefcaicnen.LWTR.4, L ignorance qui le içait, qui le luge, &: qui le condamne, ce n elt pas ,it
vne entière ignorance : Pour l'eftre, il faut qu'elle s'ignore foy-mef- fit
Proffion des Pyr me. De façon que laprofelîion des Pyrrhoniens eft, de branler, dou- ï
rhomens, quelle fa- t c r ^ ^ enquérir, ne s'alfeurer de rien, de rien ne fe refpondre. Des ^
culte de l ame. itois actions de l'ame, l'imaginatiue, l'appetitiue, 6c la confentante, q,
ils en reçoiuent les deux premières : la derniere,ils la fouftiennent, 6c k\
la maintiennent ambiguë, fans inclination, ny approbation d'vne ^
Peinture de Zenon part ou d'autre,tant foit-elle légère. Zenô peignoir de gefte fon ima- :[ (|
fur U partition des gination fur cette partition des facultcz de l'ame : La main efpanduc i tl
dhons de l ame. ouuerte, c'eftoit apparence : la main à demy ferrée, 6c les doigts vn ^
peu croches,confentement : le poing fermé, comprehenfion : quand |
de la main gauche il venoit encore à clorre ce poing plus eftroit, fciéce.
Or cette afïiete de leur iugement droite 6c inflexible, receuat tous llt
Ataraxie, que c'eft. objets fans application 6c confentcment,les achemine à leur Ata- ^
raxie : qui eft vne condition de vie paifible, rafïife, exempte des agi- ^
tations que nous receuons par l'impreflion de l'opinion 6c feience ^