r - Les Bibliothèques Virtuelles Humanistes

Vie cachée à la
~\eue des antres
hommes.
xil Ils leur changent air par & l'e­
douces demeures, leurs
GeoTg.z.
Homes mgemeux
à je malmener.
fî Miferables leurs plaifîrs humains,
crimes ! font
Gnll.
Omd. Amor.io.
I
tfjz ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
nombre d'hommes, qui, pour exceller les autres, ne felaiffent iamais
voir, quand ils font leur repas: qui n'en font qu'vn la fepmaine: qui
fe defeh iquettent ôc découpent laface ôc les membres : qui nc parlent
iamais à perfonne. Gens fanatiques,qui penfent honorer leur nature
cn fe defnaturant: qui fe prifent de leur mcfpris,& s'amendent de
leur empirement. Quel monftrueux animal,qui fe fait horreur à foymefme,
à qui fes plaiiirs poifent, qui fe tient à mal-heur? Il y en a qui
cachent leur vie,
Exilioque domos {0 dulcia limina mutant,
&ladefrobent de la veue des autres hommes: Qui euitent la fanté &
l'allegrcifc, comme qualitez ennemies ôc dommageables. Non feulement
plufieurs fectes, mais plufieurs peuples maudifient leur naiffance,
ôc benifient leur mort. Il en eft où le Soleil eft abominé, les ténèbres
adorées. Nous ne fommes ingénieux qu'à nous mal mener:
c'eft le vray gibier de la force de noftre efprit : dangereux outil ea def-
rcglement.
O mijeri quorum gaudia crimen habcntl
Hé pauure homme, tu as affez d'incommoditez neceffaires, fans les
augmenter par ton inuention : ôc es affez miferable de condition,fans
l'eftre par art*, tu as des laideurs réelles & effentielles à fuffifance, fans
en forger d'imaginaires. Trouues-tu que tu fois trop à l'aife,fi la moitié
de ton aife ne tefafche? Trouues-tu que tuay es remply tous les offices
neceifaires, à quoy Nature t'engage, Ôc qu'elle foit oyfiuechez
toy, fi tu ne t'obliges à nouueaux offices ? Tu ne crains point d'offencer
fes loix vniuerfelles ôc indubitables, ôc te piques aux tiennes partifanes
& fantaftiques : Et d'autant plus qu'elles font particulières, incertaines,
& plus contredites, d'autant plus tu fais-là ton effort. Les
ordonnances pofitiues de taParroiffe t'attachent: celles du Monde
ne te touchent point. Cours vn peu parles exemples de cette confideration
: ta vie en eft toute. Les vers de ces deux Poètes, traitans ainfi
referuément ôc diferetement de la lafciueté, comme ils font, me femblent
la defcouurir Ôc efclairer de plus prés. Les Dames couurent leur
fein d'vn refeul, les Preftres plufieurs chofes facrées, les Peintres ombragent
leur ouurage,pour luy donner plus de luftre. Et dit-on que
le coup du Soleil ôc du vent, eft plus poifant par reflexion qu'à droitfil.
L'égyptien refpondit fagement à celuy quiluy demandoit, Que
portes-tu là, caché fous ton manteau? Il eft caché fous mon manteau,
afin que tu ne fçachespas que c'eft: Mais il y a certaines autres
chofes qu'on cache pour les montrer. Oyez cettuy-là plus ouuert.
Et nudam prejji corpus ad %>fque meum :
Il me femble qu'il me chapone. Que Martial retrouffe Venus à fa pofte,
il n'arriue pas à la faire paroiftre fi entière. Celuy qui dit tout, il
nous faoule ôc nous defgoufte. Celuy qui craint à s'exprimer, nous
achemine à en penfer plus qu'il n'en y a. Il y a de latrahifonencette
forte de modeftie: ôc notamment nous entr'ouuàt comme font ceux-
f
if
lut
|s
IT
ld(
k
0
lté
[CI
fitr
irer
k »lf
il
1S1
1
f
a