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748 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
comme elles feruent, non comme elles font. La vérité a fes empefchemens,incommoditez
tk incompatibiluez auec nous. Il nousfaut
fouuent tromper, afin que nous ne nous trompions : Et filler noftre
veuë,eflourdir noftre entendement,pour les redre(fer&amender.
^Lei jgnoransfcmef- p mp erni e n' m iudicant 3 &quifréquenterin hocipfum fallcndifunt 3ne cirent.
Cm ceb qu'il les faut Quand ils nous ordonnent, d'ay mer auant nous, trois, quatre,& cin-
troperfouuent.de peur . J 1 i~ '1 C 1 > J 1
quds nefe détraquent, quante degrez de choies, ils reprelentent 1 art des archers, qui pour
arriuer au poinct,vont prenant leur vifée grand efpace au deifus de la
bu te.Pour dreffer vn bois courbé,on le recourbe au rebours. Feftimc
qu'au temple dePallas,comme nous voyons en toutes autres religions
, il y auoit des myfteres apparens, pour eftre montrez au peuple,
& d'autres myfteres plus fecrets, tk plus hauts, pour eftre montrez
feulement à ceux qui en eftoient profez. Ileftvray-femblable
qu'en ceux-cy,fe trouue le vray poinct de l'amitié que chacun fe doit:
Amitié fmffe. N on vne amitié faune, qui nous fait embraffer la gloire, la feience, la
richeife,cV telles chofes,d'vne affection principale tk immodérée,
Amitié molle &• comme membres de noftre eftre, ny vne amitié molle tk indiferete,
tndtfcrete. en laquelle il aduienteequi fe void au lierre, qu'il corrompt & ruine
Amitié falutaire la paroy qu'il accole : Mais vne amitié falutaire tk réglée, efgalemenc
& réglée. vtilc& plaifante. Qujenfçaitles deuoirs,&les exerce,il eft vray ementdu
cabinet desMufes,il a atteint le fommet delà faseffe humaine,&
de noftre bon-heur.Cettui-cy fçachant exactement ce qu'il
fe doit, trouue dans fon rolle, qu'il doit appliquer à foy l'vfage des
autres hommcs,& du Monde ; Ôc pour cefaire, contribuer àlafocieté
publique lesdeuoirs & offices qui le touchent. Qui ne vit aucune-
Qinconque eft «my ment à autruy, ne vit guère à foy. Qui fibi arnicus cji3fcito hune amicum
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omnibus ejje. La principale charge que nous ayons,c'eft à chacun fi*
SIMC tp,p.+». conduite. Et eft ce pourquoy nous fommesicy. Comme qui oublie-
Conduite de foy, roit de bien tk faintement viure, tk penferoit eftre quitte de fon deprincipal
ouurage de u o u- } e n y acheminant tk drclfant les autres, ce feroit vn fot : Tout de
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' mefme, qui abandonne en fon propre, le fainement tk gayement viure,
pour cn feruir autruy, prend à mon grévn mauuais &defnaturé
party. le neveux pas qu'on refufe aux charges qu'on prend, l'attention,
les pas, les paroles, tk la fueur, tk le fang au befoin :
II feauroît mounr har- non ipfè pro charis amicis }
T ^ t i r ' . f*"* P"tria timidus perire.
HUM. 4. Mais c'eft par emprunt Ôc accidentalemét ; l'efprit fe tenant toufiours
en repos tk enfanté : non pas fans action, mais fansvexation,fanspaffion.
L'agir fimplement, luy coufte fi peu, qu'en dormant mefme il
L'eftrit doit ejîre agit. Maisilluy ^autdonncdebranleauecdilcretion:Carlecorpsre-
tion. f ra/^edKrc