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SC6 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
de ja vie, eftoit le feu. le prens pluftoft toute autre façond'efchaper
vin 1>M en délices au froid. Nous craignons les vins au bas : en Portugal, cette fumée
enPirfg.d. eft en délices, &eft lebrcuuage des Princes. En fomme, chaque nation
a plufieurs couftumes c^vfances, qui font non feulement inconnues,
mais farouches &c miraculeufes à quelque autre nation. Que
ferons-nous à cepeuple, qui ne fait recepte que de tefmoignages imprimez
, qui ne croid les hommes s'ils ne font en Liure, ny la vérité, Il
elle n'eft d'âge competant ? Nous mettons en dignité nos fottifes,
quand nous les mettons en moule. Il y a bien pour luy, autre poids,
de dire : ie I'ay leu, que 11 vous dites; ic I'ay oiiy dire. Mais moy,qui ne
meferois non plus la bouche,que la main des hommes, qui fçay qu'on
efcrit autant indiferetement qu'on parle, &z qui eftimé ce llecle comme
vn autre paifé ; i'allegue auffi volontiers vn mien Amy, que Aulugelle,&
queMacrobe: & ce que i'ay veu, que ce qu'ils ont efcrit.
Et comme ils tiennent de la vertu, qu'elle n'eft pasplus grande, pour
eftre plus longue: i'eftime de mefme de la vérité, que pour eftre plus
Exen plesejlran- vieille, elle n'eft pas plus fage. le dis fouuent que c'eft pure fottife,qui
gers & domtjhftes n Qus fait courir après les exemples eftrangers & fcolaftiques: Leur
condamm% fertilité eft pareille à cette heure à celle du temps d'Homère &de
Platon. Mais n'eft-ce pas que nous cherchons plus l'honneur de l'allégation,
que la vérité du difeours? Comme fi c'eftoit plus d'emprunter
delà boutique de Vafcofm, ou de Plantin, nos preuues, que de ce
qui fevoid en noftre village. Ou bien certes, que nous n'auonspas
l'efprit, d'efplucher& faire valoir ce qui fe paffe deuant nous,& le
iuger affez viuement, pour le tirer en exemple. Car fi nous difons,
que l'authorité nous manque, pour donner foy à noftre tefmoignage,
nous le difons hors de propos. Dautant qu'à mon aduis, des plus
ordinaires chofes,5zplus communes &c cognues, fi nous fçauions
trou ucr leur iour; fe peuuent former les plus grands miracles de naturelles
plus merueilleux exemples,notamment fur le fujet des
actions humaines. Or fur mon fujet, laiffant les exemples que ie fçay
par les Liures : Et ce que dit Ariftote d'Andron Argien, qu'il trauer-
Boire rare d'~\>n foit fans boire les arides fablons de la Lybie ; Vn Gentil-homme qui
Gentil homme. s'eft acquitté dignement de plufieurs charges, difoit où i'eftois ; qu'il
eftoit ailé de Madril à Lifbonne, en plein efté, fans boire. Il fe porte
vigoureufement pour fon âge, & n'a rien d'extraordinaire en l'vfage
de fa vie,que cecy,d'eftre deux ou trois mois,voire vn an, ce m'a-il dit,
fans boire. Ilfentde l'altération, mais il la laiffe palier : & tient, que
c'eft vn appétit qui s'alanguit aifémenc de foy-mefme : & boit plus
par caprice, que pour le befoin, ou pour le plaifir. En voicy d'vn
autre. Il n'y a pas long-temps, que ie rencontray l'vn des plus fça^uans
hommes de France, entre ccux de non médiocre fortune, cftu-
Tintamârre meftri- ^
n n t aLl c o m a
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falle,qu'on luy auoit rembarré de tapifferie: &z au-
sé p.ir crens de [ça- tour de lui,vn tabut de fes valets plein de licence.il me dit,& Seneque
uoir.,en leurs efcoles. quafi autant de foy, qu'il faifoit fon profit de ce tintamarre : comme
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