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Chajleté merueilleu­
fe du fit de de Mon­
taigne.
à»
Chai eitr naturelle 3
ffions.
fes diuerfes a-
Boire outre la foif.
Boire plm grand à
le fin du repars }
procède.
don
Vin défendu aux en­
fans.
^ffemble'e à boire.
144 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
ans fe moquer de nos allegreffes : fe ietter auec fa robbe fourrée fur vn
cheual, faire le tour de la table fur fon pouce, ne monter guère en fa
chambre, fans s'eflancer trois ou quatre degrez à la fois. Sur mon
propos il difoit, cju'en toute vne Prouince ,à peine y auoit-il vne
femme de qualité, qui fuit mal nommée. Recitoit d'eftranges pri~
uautez , nommément fiennes , auec des honneftes femmes, fans
foupçon quelconque. Et de foy, iuroit faindement eftre venu vierge
à fon mariage, ôc fi c'eftoit après auoir eu longue part aux guerres
delà les monts : defquelles il nous a laiffé vn papier iournal de fa
main , fuiuant poind par poind ce qui s'y palfa , ôc pour le public
ôc pour fon priué. Aufli fe maria-il bien auant, en aage fan
M. D. XXVIII, qui eftoit fon trente -troifiefme , fur le chemin
de fon retour d'Italie. Reuenons à nos bouteilles. Les incommoditez
delavieilleffe, quiontbefoin de quelque appuy ôc rafraifehiffement,
pourroientm'engendrer auec raifon, defir de cette
faculté : car c'eft quafi le dernier plaifir que le cours des ans nous defrobe.
La chaleur naturelle,difent les bons compagnons, fe prend premierementaux
pieds : celle-là touche l'enfance. De là elle monte à
la moyenne région, où elle fe plantelong-temps, ôc y produit, félon
moy, les feuls vrais plaifirs de la vie corporelle : Les autres voluptez
dorment au prix. Sur la fin, à la mode d'vne vapeur qui va montant ôc
s'exhalant,ell'arriue au gofier, où elle fait fa dernière pofe. le ne puis
pourtant entendre comment on vienne à allonger le plaifir de boire
outre la foif, ôc fe forger en l'imagination vn aopetit artificiel encontre
nature. Mon eftomach n'iroitpas iufques-la : il eftaffez empefché
à venir à bout de ce qu'il prend pour fon befoin : Ma confti tution eft,
ne faire cas du boire que pour la fuitte du manger : ôc boy à cette caufe
le dernier coup toufiours leplus grand. Et parce qu'en la vieilleffe,
nous apportons le^ palais encraffé de reume , ou altéré par quelque
autremauuaifeconftitution, le vin nous femble meilleur .,à mefme
que nous auonsouuert&laué nos pores. Au moins il ne m'aduient
guère, que pour la première fois i'en prenne bien le gouft. Anacharfis
s'eftonnoit que les Grecs beuffent fur la fin du repas en plus
grands verres qu'au commencement. C'eftoit, comme ie penfe,pour
la mefme raifon que les Alemans le font 3 qui commencent lors le
combat à boire d'autant. Platon défend aux enfans de boire vin
auant dix-huid ans, ôc auant quarente de s'enyurer.Mais à ceux qui
ont paffé les quarente, il pardonne de s'yplaire, ôc demefier vn peu
largement en leurs conuiues l'influence de Dionyfius : ce bon Dieu
qui redonne aux hommes la gayeté,& la ieuneffe aux vieillards, qui
adoucit & amollit les pallions del'ame, commele fer s'amollit par le
feu:& en fes loix,trouue telles affemblées à boire vtiles,pourueu qu'il
y aye vnchef débande, àlescontenir ôc régler: l'y urelîeeftant, ditil,
vne bonne efpreuue Ôc certaine de la nature d'vn chacun, ôc quand
ôc quand propre à donner aux perfonnes d'aage, le courage des'ef-