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LIVRE PREMIER. * 4t
qui ne fent aucunement la barbarie. Ceux qui les peignent mourans,
& qui reprefentent cette a&ion quand on les a (Tomme, ils peignent
le prifonnier crachant auvifage de ceux qui le tuent ,& leur faifant
lamouc\ De vray ils ne ceffent iufques au dernier foufpir, de les bra~.
ucr & defficr de parole & de contenance. Sans mentir,au prix de nous,
voila des hommes bien fauuages : car ou il faut qu'ils le foient bien à
bon efeient, ou que nous le foyons : il y a vne merueilleufe diftance
entre leur forme & la noftre. Les hommes y ont plufieurs femmes, & femmes des canni»
en ont d'autant plus grand nombre, qu'ils font en meilleure reputa- baies.
tion de vaillance. C'eft vne beauté remarquable en leurs mariages;
que la mefme ialoufieque nos femmes ont pour nous empefeherde Lewidonfie^mllel
l'amitié. & bien-vueillance d'autres femmes, les leurs l'ont toute pareille
peur la leur acquérir. Eftans plus foigneufesde l'honneur de
leurs maris, que de toute autre chofe, elles cherchent &c mettant leur
folicitude à auoir le plus de compagnes qu'elles pcuuent, dautant
que c'eft vn tefmoignage de la vertu du mary. Les noftres crieront au
miracle : ce ne l'eft pas. C'eft vne vertu proprement matrimoniale :
mais du plus haut eftage. Et en la Bible, Lea, Rachd, Sara tk les femmes
de Iacob fournirent leurs belles feruantes à leurs maris, & Liuia
féconda les appétits d'Augufte,à fonintereft:&lafemmeduRoy
Deiotarus Stratonique,preftanon feulement àl'vfage de fon mary,
vne fort belle ieune fille de chambre, qui la feruoit, mais en nourrit
foigneufement les enfans : & leur fit efpaule à fucceder aux Eftats dà
leurpere. Et afin qu'on ne penfe point que tout cecy le race par vne
fimple & feruile.obligation à leur vfance, &: par l'impreffion de l'authoritc
de leur ancienne couftume, fans difeours &: fans iugement, *
& pour auoir Pâme fi ftupide, que de ne pouuoir prendre autre party ;
il faut alléguer quelques traits de leur fuffifance. Outre ecluy que ie
vien de reciter de l'vne de leurs chanfons guerrières, i'en ay vne autre chanfons amourn*
amoureufe, qui commence en ce fens: Couleuure arrefte-toy, arïe- fes à'irn Barbare.
fte-toy couleuure ; afin que ma fœur tire fur le patron de ta peinture*
la façon &l'ouura ,
gc d'vn riche cordon, que iepuiffe donnera m'amie
rainfi foit en tout temps ta beauté Se ta difpofition préférée à
tous les autres ferpens. Ce premier couplet, c'eft le refrein de la chanfon.
Or i'ay affezde commerce aueclaPoefic pour iugercecy ;que
non feulement il n'y a rien de barbarie en cette imagination, mais
qu'elle eft tout à fait Anacreontique. Leur langage au demeurant, Langage des Sanc'eft
vn langage doux, & qui a le fon agréable, retirant aux terminaifons
Grecques. Trois d'entre-eux, ignorans combien couftera vn
iour à leur repos, & à leur bon-heur, la cognoiffance des corruptions
de deçà, & que de ce commerce naiftraleur ruine, comme ie prefuppofe
qu elle foit défia auancéc, ( bien miferables de s'eftre laifTez pipper
audcfirdcla nouueauté,& auoir quitté la douceur de leur ciel*
pour venir voir le noftre) furent à Rouen, du temps que le feu Roy
Charles IX. y eftoit :1e Roy parla à eux long-temps: on leur fit voir