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^ , LIVRE SECOND. 47?
^ la mémoire, & fans lequel le iugement fait bien à peine fon office:
^ elle me manque du tout. Ce qu'on me veut propofer, il faut que ce
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foit à parcelles : carde refpondre à vn propos, où il y euft plufieurs
"Jf diuers chefs, il n'eft pas en ma puiffance. Ienefçaurois receuoirvne
) charge fans tablettes: Et quand i'ay vn propos de confequence à tenir,
s'il eft de longue haleine, ie fuis réduit à cette vile &miferable
* necelfité, d'apprendre par cœur mot à mot ce que i'ay à dire: autre-
^ ment ie n'auroy ny façon,ny affeurance, eftant en crainte que ma
f mémoire vint à me faire vn maûuais tour. Mais ce moyen m'eft non
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moins difficile. Pour apprendre trois vers, il m'y faut trois heures. Et
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l puis envrLpropre ouurage la liberté &authorité de remuer l'ordre*
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de changer vn mot, variant fans ceife la matière, la rend plus malai-r
'1 fée à arrefter en la mémoire de fon autheur. Or plus ie m'en défie,
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! plus elle fe trouble : elle me fert mieux par rencontre, il faut que ic
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lafohcitcnonchalamment:car fiie la preife, elle s'eftonne : & depuis
;j qu'elle a commencé à chanceler, plus ie la fonde, plus elle s'empc-
* ftre &c embarraffe: elfe me fert à fon heure, non pas à la mienne.
^ Cecy queie fens en la mémoire, ie le fens en plufieurs autres parties.
* le fuis le commandement, l'obligation & la contrainte. Ce queie
d fais aifément & naturellement ; fi ie m'ord onne de le faire, par vne
'I expreffe& prefcrite ordonnance, ie nefçayplus le faire. Au corps
i mefme , les membres qui ont quelque liberté & iurifdidtion plus
f particulière fur eux, me refufent par fois leur obeïffance, quand ie
i lesdeftine & attache à certain poinct & heure de feruice neceffaire.
, Cette preordonnance contrainte &tyrannique les rebute: ils fecrou- contrainte &obli-
\ piffent d'effroy ou de defpit, & fe tranfiffent. Autrefois eftant en gatio,rebutentfou-
y de taire le bon compagnon , en taueur des Dames qui
M ftoient de la partie, félon l'vfagedupaïs. Mais il y eut du plaifir:car
tl cette menace & préparation, d'auoir à m'efforcer outre ma couftutji
me & mon naturel, m'eftoupa de manière le gofier, que ie ne fceus
t| aualer vne feule goûte : & fus priué de boire, pour le befoin mefme
k de mon repas. le me trouuay faoul & defalteré, par tant de breuuage
il que mon imagination auoit préoccupé. Cet effet eft plus apparent
in, en ceux qui ont l'imagination plus véhémente &c puiffante : mais il
il eft pourtant naturel :& n'eft aucun qui ne s'en reflente aucunement.
li On offroit à vn excellent archer condamné à la mort, de luy fauuer archer excellent 3
;JI la vie, s'il vouloir faire voir quelque notable preuue de fon art: il re- ^jufmt au prix de
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si, fufa de s'en eflayer, craignant que la trop grande contention de fa ^^^{^^
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oli volonté,luy fift fouruoyer la main,&qu'au lieu de fauuer fa vie,ilperfl
dift encore la reputatiô qu'il auoit acquife à tirer de l'arc. Vn homme
0 qui penfe ailleurs, ne faudra point, à vn poulce prés, de refaire touf-
0 iours vn mefme nombre &c mefure de pas, au lieu où il fe promené:
p mais s'il y eft auec attention de les mefurer& compter, il trouuera
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