r - Les Bibliothèques Virtuelles Humanistes

US ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
& à leur mettre eu tefte la pompe des régions de deçà. Le premier de ^
fes compères, à qui on efcorna vne cheure, il luy confeilla d'en de- p
mander raifon aux luges Royaux d'autour de là, ôc de cettuy-cy à vn if
âutre,iufques à ce qu'il euft tout abaftardy. A la fuitte de cette corru- flfli
ption, ils difent, qu'il y en furuint incontinent vn autre de pire con- $f {
fequence, par le moyen d'vn Médecin, à qui il print enuie d'efpoufer $
vne de leurs filles, & de s'habituer parmy eux. Cettuy-cy commença
à leur apprendre premièrement le nom des fleures, des rheumes, ôc if d
des apoftemes,la fituation ducœur,dufoye,& des inteftins,qui eftoit JM
vne Science iufques lors tres-efloignée de leur cognoiffance i ôc au p,(
lieu de l'ail, dequoy ils auoient appris à chafler toutes fortes de maux, jfcc
pour afpres& extrêmes qu'ils fu{fent,illesaccouftumapour vne toux |Jct
ou pourvnmorfondcmentjà prendre les mixtions eftrangeres,& tè
commença à faire trafic, non de leur fanté feulement, mais auffi de (fui
leur mort. Ils iurent que depuis lors feulement, ils 1
ont apperceu que |yo;
le ferain leur appefantiffoit la tefte, queie boire ay àt chaud appor toit jtci
nuifance,& que les vents de l'Automne eftoient plus griefs que ceux |on
Santé longue & du Printemps: que depuis l'vfage de cette Médecine, ils fe trouuent | K
entière-^troublée par accablez d'vnelegion de maladies inaccouftumées,& qu'ils apperçoi- p]
lyjagede lamede- u t n t v n général defehet en leur ancienne vigueur, & leurs vies de M
< m e
' moitié raccourcies. Voila le premier de mes con tes. L'autre eft, qu'a- ^ a
Sang de bouc, de uantmafuje&iongraueleufe,oyantfairecasdufangde boucàplu- tf u
ôc femble qu'il s'y acheminaft. I'ay trouué,m'en eftant fait enquérir ;
ceux qui ont accouftuméd'ouurir de ces animaux, que c'eft vnacci- k
quel effet pour les fieurs, comme d'vne manne celefte enuoyée en ces derniers fiecles, K
graveleux. pour la tutelle ôc conferuation de la vie humaine, ôc en oyant parler à ^
des gens d'entendement, comme d'vnedrogue admirable, & d'vne t||
s
opération infaillible: moy qui ay toufiours penfé eftre en bute à tous L,
les accidens qui peuuent toucher tout autre homme, prins plaifir en ^,
pleine fanté à me prouuoir de ce miracle, ôc commanday chez moy ^
qu'on me nourrift vn bouc félon la recepte: Car il faut que ce foit aux à
mois les plus chaleureux de l'Efté,qu'on le retire: ôc qu'on ne luy donne
à manger que des herbes aperitiues, ôc à boireque du vin blanc,
le me rendis de fortune chez moy le iour qu'il deuoit eftre tué:on me
Pierrestrouuécs en vint due que mon cuifinier trouuoit danslapanfe deux ou trois grof- ,
lapanfe dl/n bouc. f €S boules,qui fe choquoient l'vne l'autre parmy fa mangeaille : le fus ^
curieux de faire apporter toute cette tripaille en ma prefence, ôc fis y
ouurir cette groffe ôc large peau : il en fortit trois gros corps, légers ^
comme des efponges, de façon qu'il femble qu'ils foient creux, durs ,
au demeurant par le deflus ôc fermes, bigarrez de plufieurs couleurs ^
mor tes-.l'vn parfait en rondeur,à la mefure d'vne courte boule: les au- ^
très deux, vn peu moindres, aufquels l'arrondiffement eft imparfait,
dent rare ôc inufité. Il eft vray-femblable que ce font des pierres cou
fines des noftres : Et s'il eft ainfi,c'eft vne efperâce bien vaine aux gra- S
tuelcux, de tirer leur guerifon du fang d'vne befte, qui s'en alloit elle- *
mefme *
1
)le qu'il s'y acheminaft. I'ay trouué,m'en eftant fait enquérir à