LE SYMPOSIUM INTERNATIONAL LE LIVRE. LA ROUMANIE. L ...

cantemir et le scénario moderne de la métaphysique 31
(p. 190-191), il réessaie d’expliquer avec bien plus de clarté le sens du
hasard, affirmant qu’ils se rapportent aux faits contingents et individuels,
difficilement à déceler tels quels.
Dans ce genre de débats, apparaissent quelques importantes distinctions
par rapports aux sources occidentales. Il considérera par exemple que le
pouvoir divin se fait ressentir par « la nature même des choses » (idée
qui met en question la perspective déiste, par exemple). Celles-ci se
conservent, évoluent, et se soumettent à un ordre établi par la création :
« elles ne peuvent ni se manifester autrement, ni faire autre chose, mais
font ce qui est propre à leur nature » 42 . l’idée de la prédestination divine
est différemment interprétée par rapport à la version protestante 43 . en
revanche la théorie des « quatre formes des choses » est destinée à éclaircir
en fin de compte ce qui est propre à l’âme humaine, sa force de vaincre la
mort 44 . Dans ses considérations sur le temps et l’éternité, Cantemir revient
abondamment aux écrits patristiques (plus particulièrement à ceux du saint
Jean Damascène) et à certaines sources locales.
6. la position de Cantemir à l’égard de la tradition aristotélique estelle
exclusivement critique, voire négative ? on risque de penser ainsi
après une première lecture. en réalité, son rapport avec cette tradition est
plus compliqué, loin d’être univoque. Il s’agit au bout de compte d’une
rencontre riche, extrêmement significative pour la pensée philosophique de
Cantemir, comme pour la pensée de tout autre philosophe de son époque.
l’attitude de Cantemir vis-à-vis de la tradition aristotélique comporte
en fait deux volets. Cette tradition est sévèrement critiquée quand il s’agit de
sujets incontournables en rapport avec l’enseignement biblique : la vision
cosmogonique, l’idée de providence, les concepts de temps et d’éternité, les
limites du libre arbitre etc. la critique n’a pas toujours la même intensité.
elle est plus modérée, lorsqu’elle concerne directement les affirmations
d’Aristote, et elle est radicale quand elle vise l’aristotélisme scolastique,
devenu entre temps une idéologie 45 . la critique radicale d’Aristote est
encouragée par Van helmont, l’auteur qui a beaucoup influencé Cantemir.
Dans son traité De tempore, Van helmont propose une lecture négative de
la Physique d’Aristote, en lui reprochant d’interpréter la notion de temps
42 Ibidem, p. 333.
43 Ibidem, p. 291-292, 299-300. cf. dan Bădărău, op. cit., p. 278-279.
44 Ibidem, p. 269-277.
45 Cf. ibidem, pp. 143-144, 148-153, 172-178, où la pensée scolastique est accusée
d’être superficielle, confuse et de tendance athée. dan Bădărău remarque que cette
critique de la scolastique trouve ses origines dans les Epîtres dogmatiques de théophile
Corydalée, op. cit., p. 312.