LE SYMPOSIUM INTERNATIONAL LE LIVRE. LA ROUMANIE. L ...

342 JacQueS Bouchard
on pourrait appeler cette période celle de « l’église triomphante », car elle
exerce une autorité spirituelle despotique sur les fidèles. Certains patriarches
mettent leur talent et leurs énergies à défendre la foi contre les assauts de la
modernité, tant philosophique que scientifique. Ainsi le fameux Dosithée
(1641–1707), patriarche de Jérusalem, mais résidant à Constantinople, qui
veille à l’orthodoxie, distribue les blâmes, pourfend les latins d’une ire
peu chrétienne et lance des excommunications. 11 Il représente un courant
important contre les lumières naissantes. Son neveu Chrysanthe notaras
(ca 1660–1731), patriarche de Jérusalem après la mort de Dosithée, est plus
nuancé. 12 Grand voyageur, il revient cependant toujours à Constantinople,
où se trouve le Métoque du Saint-Sépulcre. Il illustre l’aile progressiste
de l’église, tout en se soumettant foncièrement à son magistère. Ainsi,
lorsqu’il publie en grec à paris en 1716 un manuel de géographie et de
cosmologie, il explique avec démonstrations mathématiques les théories
de Copernic, de tycho Brahé, de Kepler et de Descartes concernant le
système héliocentrique, mais finit quand même par se ranger à l’opinion de
l’église : il conclut que la terre est certainement le centre du monde, parce
que la Bible l’affirme et qu’Aristote et ptolémée le confirment. 13 pourtant
son influence s’avère décisive dans le domaine de l’éducation en particulier
dans les principautés roumaines.
l’émergence des lumières néo-helléniques n’aurait pas connu pareil
succès sans l’apport favorable des principautés danubiennes. Certes la
présence grecque dans les principautés a précédé l’arrivée des phanariotes.
les académies princières de Jassy et de Bucarest, véritables foyers
d’éducation hellénique, ont été fondées par des voïvodes roumains. 14
11 ioan V. dură, O Dosivqeo~ Ierosoluvmwn kai h prosforav autouv ei~ ta~
Roumanikav~ Cwvra~ kai thn Ekklhsivan autwvn, Athènes, 1977. l’auteur propose
un portrait hagiographique de Dosithée ; cf. J. BouChArD, «Défense et illustration
de la Frühaufklärung néo-hellénique», D’une frontière à l’autre. Mouvements de
fuites, mouvements discontinus dans le monde néo-hellénique, Actes du XX e colloque
international des néo-hellénistes des universités francophones 24–26 mai 2007, Athènes,
Gavrielidès et lille, presses universitaires du Septentrion, 2009, p. 261.
12 penelope StAthI, Cruvsanqo~ Notarav~ Patriavrch~ Ierosoluvmwn, Aqhvna,
Suvndesmo~ twn en Aqhvnai~ Megaloscolitwvn, 1999.
13 Voir la réédition : Ch. notArAS, Εισαγωγή εις τα γεωγραφικά και σφαιρικά,
éd. p. rovithis et e. livaniou-rovithi, Athènes, 2010, p. 150. Cf. J. BouChArD, «
neoellhnikov~ prwvimo~ Diafwtismov~ - orismov~ kai periodolovghsh », dans
Afievrwma K.Q. Dhmarav~, K Periodikov Kritikhv~ Logotecniva~ kai Tecnwvn, 11
(juillet 2006), p. 35-47, tiré à part corrigé, Montréal, 2007.
14 Ariadna CAMArIAno-CIorAn, Les Académies princières, op. cit.