LE SYMPOSIUM INTERNATIONAL LE LIVRE. LA ROUMANIE. L ...

cantemir et le scénario moderne de la métaphysique 35
Baptista van helmont (1577–1644). Dans ses essais philosophiques,
Cantemir évoque les noms de philipp Melanchton, Giaccomo zabarella et
Joachim Jungius, versés dans le domaine de la dogmatique et de la pensée
aristotélique. Mais, les grands noms de la métaphysique des xVI e et xVII e
siècles sont absents : notamment Francisco Suarez et Giordano Bruno, ou,
pour la tradition cartésienne, Malebranche, Arnauld, et également Spinoza
et leibniz. Certains d’entre eux n’étaient probablement pas connus dans
le milieu d’érudits fréquenté par Cantemir. presque toute sa critique est
focalisée sur la scolastique et sur l’interprétation selon laquelle les sens et
la raison sont considérés comme décisifs dans la connaissance de la vérité.
Il cible surtout la pensée sensualiste : les savants qui « proclament à haute
voix que toute la connaissance humaine est fondée sur les sens » 54 . on
reconnaît facilement une pareille réaction dans le continent européen, si
on pense à la philosophie cartésienne, ou à Spinoza et leibniz, surtout à
ce dernier, contemporain de Cantemir, continuellement en guerre contre
l’école philosophique anglaise (cf. Nouveaux Essais sur l’entendement
humain, 1690).
Si Cantemir n’écarte pas complètement, comme on l’a montré
précédemment, la validité de ces sources de connaissance, il refuse cependant
de surestimer leur importance et dénie leur prétention de connaître la vérité
en soi-même. D’ailleurs à cette époque, presque personne ne pensait que
la raison se suffire à elle-même. l’idée de sa totale autonomie – en tant
qu’instance « souveraine » ou « tribunal suprême » – sera formulée bien
plus tard. l’insuffisance de la raison est fondée à l’époque de Cantemir
sur quelques idées qu’on pourrait difficilement ignorer. l’une d’entre elles
consiste à dire que la raison et les sens sont en permanente collaboration,
et ce qui affecte négativement les sens peut également affecter la raison
discursive. Selon une autre idée, certaines connaissances obtenues par la
raison – en logique ou mathématique – ne résistent pas devant le doute.
Descartes remarquera dans Meditationes de prima philosophia, I, que bien
des connaissances en mathématique se sont avérées erronées ou fausses
dans le temps. Mais l’exercice de la raison peut devenir douteux à cause des
stratagèmes subtils mis en œuvre par le diable (« le maître trompeur », selon
le verset biblique) ou par le « malin génie » (comme l’appelait Descartes).
Cette dernière explication a été reprise d’une perspective théosophique
(par Van helmont) ou métaphysique (par Descartes). Cantemir laisse la
place dans ses travaux à la première et à la troisième manière de mettre
54 Dimitrie CAnteMIr, Metafizica, p. 49. Dans d’autres endroits, il fait allusion
aux « savants sensualistes et intellectualistes » qui ignorent la sagesse révélée, écrite
« dans les cœurs de l’esprit » et « lue avec des caractères divins » (p. 311, 314).