LE SYMPOSIUM INTERNATIONAL LE LIVRE. LA ROUMANIE. L ...

cantemir et le scénario moderne de la métaphysique 33
De ce point de vue, l’œuvre de Cantemir est sous le signe des
interrogations aristotéliques. elle suscite, par exemple, l’attention sur l’idée
de principe (arché) et celle de « cause première », sur la question de la
multiplicité des causes, sur l’idée de « forme » et les sens multiples de l’être
etc. la discussion de ces questions sur des pages entières s’inscrit dans
la lignée, jusqu’à un certain point, de l’analyse métaphysique d’Aristote.
Certaines de ces questions, comme le problème de quatre causes,
reviennent explicitement dans les autres ouvrages de Cantemir, dans le
Compendiolum universae logices institutionis (livre premier, II, 7) ou
dans l’Histoire hiéroglyphique (p. 333). D’autres catégories aristotéliques,
reprises sous la forme des interrogations implicites (« combien »,
« comment », « quand », etc.) sont significatives aussi dans le cas de la
cosmologie chrétienne 47 . Cantemir remarque le fait que le philosophe
grec comprenne correctement certaines notions (le hasard, la chance et
le destin), dans le sens qu’il ne les considère pas comme désignant des
réalités telles quelles 48 . Il conçoit d’une manière aristotélique certaines
séquences de la création du monde, comme le passage de la puissance
(gr. dynamis) à l’acte (gr. energeia), surtout lorsqu’il évoque les éléments
primordiaux 49 . Dans Compendiolum universae logices institutionis, par
exemple, il évoque d’une manière élogieuse la doctrine aristotélique sur les
catégories et sur certaines modalités de l’existence 50 . les deux ouvrages,
Sacrosanctae scientiae indepingibilis imago et Compendiolum universae
logices institutionis, étant élaborés presque en même temps, il est évident
que son attitude sur la tradition aristotélique n’est pas unilatérale.
D’ailleurs Cantemir illustre une manière plus nuancée de compréhension,
étant sensible autant à la pensée discursive, qu’à l’expérience éthique
et religieuse. en ce sens, il savait que l’être humain est profondément
ambivalent. tandis que « la rationalité sensorielle » approche l’homme
au règne animal, l’intellect pur le dirige vers l’ordre divin. Mais les deux
font partie de la nature humaine, qui est le produit de leur intersection
précisément. « Donc [….], le serpent étant le plus rusé de tous les animaux,
47 Dimitrie CAnteMIr, Metafizica, p. 298-299.
48 « Dans son ouvrage sur la Physique, il [Aristote] dit : ‘chaque fois qu’une chose
se passe pour quelqu’un ou que ce dernier obtient quelque chose par d’autres raisons que
celles sur lesquelles il comté, ça s’appelle hasard’. Il dit donc : ‘cela s’appelle hasard’,
mais n’ose pas affirmer que ‘c’est [le hasard]’ » (ibidem, p. 325).
49 c’est ce qu’a justement saisi dan Bădărău, op. cit., p. 252. Seulement qu’il a
considéré l’interprétation de Cantemir comme étant en désaccord avec l’esprit chrétien.
50 Cf. Dimitrie CAnteMIr, Mic compendiu asupra întregii învăţături a logicii, p.
103, 145. on trouve également dans ces pages des références à la pensée platonicienne et
l’admiration pour ce philosophe, p. 131.